TRACKLIST : (prod. Fredro Starr, * prod. Onyx)
1- Life Or Death (skit)
2- Last Dayz
3- All We Got Iz Us (Evil Streets) (ft. PI)
4- Purse Snatchaz (ft. Greg Valentine)*
5- Shout
6- I Murder U (skit)
7- Betta Off Dead (co-prod. 8Off Assassin)*
8- Live Niguz
9- Punkmotherfukaz (co-prod. 8Off Assassin)*
10- Most Def
11- Act Up (skit)
12- Getto Mentalitee (ft. All City/PI)
13- 2 Wrongs (prod. Sticky Fingaz)
14- Maintain (skit)
15- Walk In New York
Dans les années 90, Onyx fut un des groupes les plus controversés du rap US, non seulement en raison de leur attitude hardcore presque caricaturale, mais aussi de leur succès fulgurant. Pour autant les membres d’Onyx ne sortent pas de nulle part et surtout pas de l’imagination vénale d’un directeur artistique.
Fredro Starr et son cousin Sticky Fingaz rencontrent Sonee Seeza et Big DS au collège, ils commencent à rapper ensemble et sortent un titre en 89 (« And We Do It Like This ») sur Profile, label dont ils seront virés aussi sec. Le quatuor ne baisse pourtant pas les bras. Entre des petits boulots (chez un coiffeur notamment, un comble pour eux qui lanceront une « Atak Of Da Bal-Hedz ») et des prestations scéniques dans des petits clubs, Onyx commence à se faire connaître jusqu’à ce que Jam Master Jay de Run DMC (avec qui ils partagent une facette « rock » assumée), les repère et les signe sur son label JMJ Records. Un premier single est produit (« Throw ya Gunz ») et lance la carrière de ces enragés.
C’est ainsi que « Bacdafucup » se retrouve dans les bacs en 1993. Il renverse tout sur son passage en imposant un style, le grimey rap, terme inventé par la presse, qui se caractérise par sa violence (beats énormes et phrasés hurlés) mais aussi par une certaine allure corporelle et vestimentaire (crâne rasé, bonnet vissé sur la tête, grimaces aussi inquiétantes qu’improbables, Caterpillar et armes à feu de rigueur). Le disque, porté par le single « Slam », s’écoule à 2 millions d’exemplaires et devance le poids lourd Dr Dre aux Source Awards (sortes d’Oscars du rap) pour le titre d’album de l’année. Cette violence gratuite à la limite de la farce de mauvais goût, sans réelle réflexion sociale, que le groupe véhicule, ainsi que son succès auprès d’un public « blanc » (notamment grâce à une collaboration avec les métalleux de Biohazard) font qu’il sera en partie boudé par la communauté hip hop.
Ce jusque-au-boutisme et cette renommée soudaine leur font d’ailleurs péter les plombs (braquages, port d’armes, agressions) et on leur interdit certaines scènes « familiales » (pour des mi-temps sportives notamment). Onyx a besoin de souffler et prendra deux ans pour donner suite à « Bacdafucup ».
Pour son retour, Onyx, devenu trio, se démarque du music-biz puisqu’il demande à son label de n’envoyer ni singles ni clips aux médias, il ne veut pas profiter de sa notoriété passée pour lancer « All We Got Iz Us » mais part à la conquête de la rue via l’underground. Il se passe également des services de Jam Master Jay qui avait produit la quasi-totalité de « Bacdafucup ». Désormais, épaulés par 8 Off Assassin (alias Agallah), ce sont les membres du groupe, Fredro Starr en tête, qui réalisent les instrus.
Et la qualité est au rendez-vous. Les beats sont moins rentre-dedans qu’auparavant mais dégagent une impression d’urgence tout en intégrant de la finesse : des voix mélancoliques sur « Purse Snatchaz » ou « Last Dayz » pour coller aux thèmes développés (la vie de rue, le suicide), des samples de claviers obsédants (« Getto Mentalitee », « Walk In New York ») ou larmoyants (« Most Def »). Sur certains titres on retrouve la fougue d’antan (« Punkmotherfukaz », « 2 Wrongs ») mais la violence « festive » n’est plus de mise, la rage que les rappeurs expriment en crachant chaque rime, est devenue désespérée.
Leur « New World Order » est celui où le suicide devient une solution pour se tirer dignement de la fange. Parce qu’aucune morale n’habite plus celui qui vit dans cet enfer, tous les moyens sont bons pour survivre, et dans l’Amérique des « United States of Ghetto », ces moyens se nomment deal, vol et meurtre. Les revendications politiques sont bien loin des préoccupations de ceux qui se foutent de tout. Ici le quotidien prime dans une fuite en avant perpétuelle où aucun espoir n’existe face à la rudesse de cette vie (« Evil Streets »).
Les images de désolation peuplent les pensées du trio comme des cauchemars trop réels. On comprend alors ce comportement psychotique mais aussi cette frustration, en voyant leur nation laisser crever une partie de ses enfants. « Betta Off Dead » est l’illustration parfaite de cet état d’esprit avec l’instru le plus pesant du disque, alliant le nom du groupe répété frénétiquement à une basse rythmée par un beat tout aussi malsain que les rires et les vocaux hystériques des rappeurs : si leur monde ressemble à ça il vaut mieux être mort en effet.
Par ce disque sans cesse sur le fil du rasoir, Onyx réussit à trouver l’équilibre entre des flows nerveux, rendant les lyrics presque incompréhensibles, et une nuance musicale qui leur était étrangère jusque-là mais qui pousse la noirceur à son paroxysme. « All We Got Iz Us », sans doute à cause de l’attitude sans concession du groupe et la concurrence féroce de cette année 1995 (Raekwon, Mobb Deep, Group Home, Smif-N-Wessun), se vend beaucoup moins que « Bacdafucup » mais touche certainement un public différent, plus mature et plus à même de comprendre les thèmes du disque.
Après ce coup de maître et la production du groupe All City, le groupe s’éparpille un peu en tentant de concilier ambition commerciale et crédibilité. Leurs dernières livraisons, tout comme les solos de Sticky Fingaz et Fredro Starr et leur carrière d’acteur, laissent une impression amère à l’auditeur face à un groupe au style inimitable, toujours capable de bons titres, dont l’industrie du divertissement a récupéré l’image sulfureuse pour faire de l’argent.
Mais rien ne peut empêcher les ténèbres de s’échapper de « All We Got Iz Us » quand ses angoissantes mélodies explosent vos enceintes…
A ECOUTER AUSSI : MOBB DEEP – Hell on Earth [1996]/MOP – Firing squad [1996]/GZA – Liquid swords [1995]