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Top Albums 2010’s

Afin de clore en beauté les années 2010, il est de bon ton de nous rappeler que cette décennie nous a apporté de nombreuses joies en matière de musique rappée. Retour en une sélection de 10 albums sur cette période fertile…

Danny Brown – XXX (2011)

Le rappeur de Detroit entre dans une nouvelle dimension avec ce XXX où il expérimente de nouvelles sonorités, tour à tour frénétiques ou plus détendues. Après un début de carrière dans un style assez convenu, son flow dopé aux substances psychotropes peut désormais s’exprimer à plein sur des beats bien plus variés et aventureux. Ainsi, sur des instrus enfin à sa mesure, Danny Brown montre avec une aisance déconcertante et un certain panache, toute sa panoplie de MC. Indispensable!

A$ap Mob – Lords Never Worry (2012)

La clique A$ap n’est jamais meilleure que quand elle est réunie au complet (cf. la série des Cozy Tapes) et le prouve dès ce premier projet commun. Sorte de carte de visite du crew, cette mixtape symbolise à merveille l’adoption par les jeunes générations de rappeurs new-yorkais des codes musicaux auparavant réservés au Dirty South : ambiances comateuses héritées du chopped & screwed, rythmiques hachées et flows saccadés, omniprésence de claviers, aussi bien lugubres que plus vaporeux. Le groupe y rajoute une agressivité bienvenue et une touche plus classique sur certains beats, faisant de l’ensemble une excellente surprise pour qui est peu habitué à ce genre de mélodies modernes.

Earl Sweatshirt – Doris (2013)

Si l’on doit désigner LE collectif qui a bousculé les codes du rap lors de cette décennie, les californiens d’Odd Future peuvent sans conteste prétendre au podium. Avec ce Doris, Earl Sweatshirt dépasse pourtant le travail de son groupe grâce à des compositions plus abordables et un flow moins dispersé. Malgré un travail de production toujours très brut (qui s’affirmera complètement sur son album suivant), le jeune rappeur réussit un petit miracle en rendant l’ensemble certes déroutant, mais tout à fait passionnant.

Quasimoto – Yessir, Whatever (2013)

Madlib est très certainement le beatmaker qui a le plus marqué ses contemporains durant les années 2010 grâce a une productivité élevée et une inventivité débridée. Il a aussi réussi l’exploit de produire des albums d’une grande qualité avec un rappeur sous hélium au micro (en fait son alter ego), et ce dernier projet n’est clairement pas en reste. Avec ses productions bourrées de samples improbables et de ruptures instrumentales inattendues, le californien entraîne son auditeur dans un tourbillon sonore aux délices sans fin et montre qu’il est toujours capable d’instrumentations bluffantes de simplicité et pourtant si addictives.

Mac Miller – Watching Movies With Sound Off (2013)

Projet charnière du très regretté Mac Miller, cet album fait passer le jeune rappeur de l’adolescence à l’âge adulte en proposant des morceaux aux rythmiques assez enlevées mais marqués d’un certain spleen naissant. Le talent du MC à épouser des beats très variés aussi bien qu’à les composer n’est sûrement pas étranger à cette impression de facilité désinvolte qui se dégage d’un projet à la saveur « psychédélique » rafraîchissante.

Schoolboy Q – Oxymoron (2014)

Les premières sorties assez fades du MC californien ne laissaient pas vraiment présager des audaces stylistiques dont il serait capable sur cet Oxymoron qui le rapproche des standards de la pop moderne. Chaque morceau va au bout de ses idées et que le beat soit menaçant ou plus dansant, Q assume et met tout le monde d’accord. Malgré quelques moments plus faibles, la puissance de certains morceaux (testez Collard Greens en soirée, vous m’en direz des nouvelles !) justifie amplement la présence de cet album au panthéon des années 2010.

Step Brothers – Lord Steppington (2014)

La promesse d’un album produit entièrement par Alchemist, beatmaker surdoué de Beverly Hills, pour son vieux pote Evidence, laissait présager d’un contenu de qualité. Et Lord Steppington ne déçoit pas. La rigueur du MC étant parfaitement combinée avec ces compositions étranges à l’ampleur cinématographique dont Alchemist a le secret. Le producteur semble avoir trouvé le rappeur parfait pour développer encore un peu plus sa recette aux samples ciselés, l’une des plus influentes de cette décennie rapologique. Dans un déluge de détails agencés avec soin, le duo transcende l’harmonie qui peut régner entre deux artistes. Une vraie réussite!

The Underachievers – It Happened In Flatbush (2016)

Les premiers albums du duo venu de Brooklyn, bien que tout à fait honorables, semblaient parfois un peu hésitants. Ici, mettant une nouvelle fois en évidence la déferlante sudiste sur la capitale du rap, ils explosent définitivement les barrières en adoptant les rythmiques hypnotiques de la trap tout en y ajoutant des basses énormes semblant héritées du G-funk le plus sombre. Porté en outre par des flows à la volubilité impressionnante, cet album est une grosse claque pour quiconque penserait encore que le rap moderne n’est fait que de productions interchangeables et insipides.

Czarface – Fistful of Peril (2016)

Ce super-groupe, connexion incongrue entre les Bostoniens 7L & Esoteric et Inspectah Deck, fine lame du Wu-Tang Clan, propose depuis 2013 une discographie sans failles dont chaque pièce pourrait se retrouver dans cette anthologie. Fistful of Peril est le dernier projet du trio avant qu’il n’intègre d’autres rappeurs pour des albums communs (MF Doom puis Ghostface Killah) et apparaît comme le plus abouti. La science du sample de 7L (soutenu par Todd Spadafore) est ici bien mieux maîtrisée pour un rendu plus compact où la fantaisie laisse place à la rigueur, pour le plus grand bonheur des amateurs de productions martiales mais inventives.

Conway – GOAT (2017)

Imposer la ville de Buffalo sur la carte du rap US n’était pas une mince affaire et pourtant c’est ce que la clique Griselda, et son nombre faramineux de sorties (valant pratiquement toutes le détour), a réussi à accomplir. Mais au milieu de cette profusion, et grâce à un flow toujours impeccable, le nom de Conway ressort clairement du lot. Comme souvent soutenu par l’irréprochable beatmaker Daringer, le MC développe ici son style lugubre tout en violence contenue, sur des beats rêches et cradingues conçus pour faire hocher la tête des b-boys les plus endurcis, justifiant ainsi amplement le titre du disque. Une tuerie!

Princess Nokia – Tomboy [2017]


Princess Nokia – Tomboy [2017]…à l’occasion de la sortie du nouveau projet de la jeune rappeuse new-yorkaise (en écoute ici), dans lequel elle explore différents genres musicaux et laisse libre cours à sa fantaisie musicale (et ne rappe quasiment pas), il est bon de rappeler qu’elle est aussi capable de coller au rap le plus exigeant. Ainsi, en 2017, elle proposait un album (« 1992 ») dans lequel elle développe avec talent un style tout à fait personnel fait d’un flow polymorphe s’adaptant aussi bien à des beats boom bap qu’à des sons plus modernes. Dans ces derniers, les véritables réussites de l’album (cf. ce « Tomboy » à la rythmique saccadée), la rappeuse promène son timbre de voix nonchalant et son débit sautillant sur des arrangements aux mélodies toutes simples mais agencées avec soin inspirées de la house music la plus planante ainsi que de la trap la plus trépidante (avec parfois un feeling old school et dansant tout à fait bienvenu). Princess Nokia prouve qu’on peut s’essayer à toutes les audaces stylistiques sans perdre sa cohérence (ou l’intérêt du public lassé des productions grandiloquentes et fades) et qu’elle est une des artistes  avec laquelle il va falloir compter à l’avenir…

Ocean Wisdom – Revvin’ [2018]

Ocean Wisdom – Revvin’ (ft. Dizzee Rascal) [2018]…signé sur l’excellent label High Focus Records, ce rappeur originaire de Londres revient avec un album fleuve (plus d’une vingtaine de titres), « Wizville », qui se montre bien plus varié que son premier essai à la saveur assez classique. Dans cet album où les producteurs se multiplient, les morceaux sont partagés entre des rythmes boom bap à la basse ronde fleurant bon les années 90, et des titres plus « dansants » inspirés de la drum n bass ou d’autres calqués sur le modèle de la trap la plus sombre. A côté d’invités prestigieux comme Dizzee Rascal ou Method Man (ainsi que d’illustres MC’s anglais : Jehst, Rodney P ou Roots Manuva), le flow polymorphe d’Ocean Wisdom se partage entre débit frénétique et diction plus posée dans un ensemble parfaitement maîtrisé à la qualité formelle indéniable…sans conteste un des meilleurs projets de 2018!

Ocean Wisdom (High Focus Records)

 

Jam Baxter – Dumb [2017]


Jam  Baxter – Dumb (ft. Lee Scott & Trellion) [2017]…ce titre, extrait du nouvel album de notre MC au flow nasillard et traînant, unit trois des labels les plus féconds de la scène underground hip hop britannique. Jam Baxter représente High Focus Records, tandis que Lee Scott et Trellion font une escapade hors de leurs maisons mères, respectivement  Blah Records et Bad Taste Records, pour un résultat conforme au reste du disque (« Mansion 38 »)…les productions y sont réalisées avec soin par le toujours excellent Chemo qui installe une ambiance poisseuse, enfumée et un rien désenchantée où l’influence du dub le plus cotonneux côtoie les rythmiques saccadées du rap contemporain dans un ensemble entre emphase et dépouillement. Un cocktail fort réjouissant pour les auditeurs avertis…

https://jambaxter.bandcamp.com/album/mansion-38

Duckwrth – Bernal Heights [2016]


Duckwrth – Bernal Heights [2016]…ce morceau, uniquement disponible sur le soundcloud de ce jeune MC californien, est découpé en 3 mouvements comme pour mieux démontrer toute la versatilité de Duckwrth et raconter les pérégrinations d’un jeune noir dans les beaux quartiers de Los Angeles…il utilise tout d’abord un beat rappelant les titres les plus relax de The Pharcyde, puis un sample bien connu (en l’occurrence « Dove » par Cymande, déjà présent sur le classique « The Score » des Fugees par exemple) pour un boom bap hypnotique et tendu, et termine par une production plus moderne et éthérée.

Les différentes facettes du rappeur sont donc toutes représentées ici, lui qui est capable d’adopter un flow chantonné, sur le très bon album « I’m Uugly » (2016), pouvant faire penser à la nonchalance enjôleuse de Prince (s’il était né avec la génération hip hop) :

ou bien encore d’utiliser des beats proches de l’euro-dance, pour un résultat sautillant et plein de fraîcheur :

mais aussi de poser sur des productions plus « mécaniques » dans un surprenant album commun avec les rockeurs de The Kickdrums, sorti en 2015 :

L’aisance assez folle avec laquelle il passe d’un style à l’autre prouve que Duckwrth est avant tout un excellent MC. De plus, sa progression d’un rap assez convenu sur ses premières mixtapes à des sons de plus en plus pointus, ainsi qu’une certaine profondeur dans les thèmes choisis (abordant des sujets légers et intimes aussi bien que des considérations sociales bien affirmées) laissent penser que Duckwrth n’a pas fini de nous abreuver en musique de qualité, et c’est tant mieux!

DUCKWRTH.com

Ab Soul – Huey Knew [2016]


Ab Soul – Huey Knew [2016]…après 3 albums au contenu très inégal, le MC californien semble décidé à suivre le même chemin d’une musique plus personnelle et affirmée que son collègue de label, Schoolboy Q, dont les deux derniers projets sont des réussites. Finies les productions insipides et un éparpillement stylistique déroutant pour l’auditeur, Ab Soul nous livre avec « Do What Thou Wilt » un disque cohérent plein de compositions poisseuses et envoutantes . Ainsi, à l’image d’un Earl Sweatshirt, le MC a choisi de prendre ses fans à contre-pied en radicalisant son art. Tout à fait conscient de la qualité de sa formule, il étale avec une assurance folle la versatilité de son flow sur des beats ambitieux (parfois à la limite du pompeux dans la 2e partie de l’album) et hypnotiques, rappelant un peu les lugubres productions du gangster MC Ren ou de la Three Six Mafia…une excellente surprise!

YNL – Detroit’s Finest [2014]


YNL – Detroit’s Finest [2014]…Sonny & Nailz sont deux jeunes rappeurs parfaitement inscrits dans leur époque qui ont compris l’importance d’occuper le terrain numérique afin de se faire une place dans la jungle hip hop. Ainsi ils inondent les auditeurs de mixtapes au contenu plus ou moins abouti, montrant ainsi leur progression vers des productions plus personnelles…avec cet album commun sous le nom de YNL, le duo mélange de nombreuses influences et entraîne l’auditeur dans un tourbillon musical assez jouissif. Piochant aussi bien dans le funk tardif (The Gap Band avec « Outstanding ») ou le rap old school et dépouillé de Slick Rick (« Sonny’s Story ») que dans la house music trépidante et pointue de leur ville natale de Detroit, l’album (produit en partie par leurs soins) se rapproche de la booty bass de Miami pour son côté débridé et festif ainsi que des productions de la scène contemporaine (l’influence trap n’est jamais bien loin) tout en gardant un feeling très 80’s fort agréable. Le résultat est assez surprenant grâce a cette alliance d’exigence musicale très référencée et de fraîcheur juvénile fort bien maîtrisée…un disque à écouter donc, au moins par curiosité…

https://sonny313.bandcamp.com/album/ynl

Killason – Shine [2016]


Killason – Shine [2016]…ce jeune français rappant en langue anglaise pourrait être un croisement entre Pharrell, pour la versatilité des talents (il s’occupe aussi bien de chorégraphie, de design que de production musicale), et Danny Brown, pour le flow halluciné et les beats passant d’un univers dancefloor (cf. ce « Shine » au beat étrange et sautillant) à des ambiances plus sombres (« The Rize », « Black Crook ») flirtant parfois avec le Dubstep (« Hoddest in my Town »). Killason est en soi un petit évènement dans la très conservatrice scène rap hexagonale puisque la réussite artistique de son premier mini-album prouve que, même en France, les chapelles musicales peuvent être réunies avec talent sans pour autant tomber dans la mélasse formatée…

 

Children Of The Night – ILYAS [2012]


Children Of The Night – ILYAS [2012]…dans l’album « Queens…Revisited » le trio composé des MC’s Remy Banks, Nasty Nigel et Lansky Jones rend hommage à ce quartier new-yorkais qui a donné au hip hop certaines de ses oeuvres les plus appréciées, tout en se plaçant à la pointe de ce qui se fait de mieux ces dernières années dans la capitale US…à l’image de Joey Bada$$ et son crew, le disque propose des rythmiques appuyées très 90’s accompagnées d’arrangements planants rappelant le travail d’un J-Dilla…pourtant pas de compositions frisant l’ennui ici puisque le groupe est également influencé par les productions plus échevelées des  Flatbush Zombies (d’ailleurs présents en featuring sur l’album, de même que Roc Marciano)…ainsi dans le morceau présenté ici (produit par SKYWLKR, l’un des beatmakers de Danny Brown), c’est l’ambiance poisseuse des dancefloors de la Grosse Pomme qu’ils tentent de transcrire avec ce son hypnotique des plus modernes et cette vidéo partagée entre brumes alcoolisées et délires de fêtards…

https://childrenofthenight.bandcamp.com/album/queens-revisited

Vince Staples – Señorita [2015]


Vince Staples – Señorita [2015]…après plusieurs mixtapes remarquées et de nombreuses collaborations avec Mac Miller ou les membres du crew Odd Future, le californien Vince Staples propose un premier album où les influences de ces « mentors » se font clairement sentir. Ainsi, il allie le côté débridé du premier à cette économie de moyens chère aux deuxièmes. Mais sa maitrise d’un flow à la fois lymphatique et sautillant sur des rythmes rigoureux, produits en grande partie par le vétéran No ID, rend l’ensemble très abordable, bien qu’exigeant, entre modernité musicale et repères rapologiques solides…

http://www.vincestaples.com/