Nikkfurie (ft. Young Zee) – Ignorez l’annonce [2017]…les collaborations entre rap français et rap US n’ont pas toujours été gage de qualité, souvent rongées par un opportunisme calculé, et ont rarement débouché sur des projets artistiquement pertinents…mais Nikkfurie (membre du duo francilien La Caution et l’un des beatmakers les plus intéressants du paysage rapologique français) ne pouvant définitivement pas être taxé de vendu au rap mainstream, l’alliance avec Young Zee (MC membre des Outsidaz et bien implanté dans l’intelligentsia rap de la deuxième moitié des 90’s) promettait beaucoup…pourtant rien ne présageait la puissance de ce morceau (et de son remix, tout aussi jouissif avec son beat martial plus classique) qui allie la stridence de la musique électronique (déjà à l’œuvre dans certains morceaux de La Caution) et un feeling « hardcore west coast gangsta » (si tant est que ça veuille dire quelque chose) représenté par les basses rondes et les sons de cloches qui parcourent le titre…ajoutez à ça des flows tranchants et des lyrics travaillés et vous obtenez un titre sans concession qui brisera la nuque des b-boys les plus rigides…vivement un projet longue durée dans cette veine car c’est ce rap-là que beaucoup attendent…
Archives par mot-clé : Alternative Rap
Duckwrth – Bernal Heights [2016]
Duckwrth – Bernal Heights [2016]…ce morceau, uniquement disponible sur le soundcloud de ce jeune MC californien, est découpé en 3 mouvements comme pour mieux démontrer toute la versatilité de Duckwrth et raconter les pérégrinations d’un jeune noir dans les beaux quartiers de Los Angeles…il utilise tout d’abord un beat rappelant les titres les plus relax de The Pharcyde, puis un sample bien connu (en l’occurrence « Dove » par Cymande, déjà présent sur le classique « The Score » des Fugees par exemple) pour un boom bap hypnotique et tendu, et termine par une production plus moderne et éthérée.
Les différentes facettes du rappeur sont donc toutes représentées ici, lui qui est capable d’adopter un flow chantonné, sur le très bon album « I’m Uugly » (2016), pouvant faire penser à la nonchalance enjôleuse de Prince (s’il était né avec la génération hip hop) :
ou bien encore d’utiliser des beats proches de l’euro-dance, pour un résultat sautillant et plein de fraîcheur :
mais aussi de poser sur des productions plus « mécaniques » dans un surprenant album commun avec les rockeurs de The Kickdrums, sorti en 2015 :
L’aisance assez folle avec laquelle il passe d’un style à l’autre prouve que Duckwrth est avant tout un excellent MC. De plus, sa progression d’un rap assez convenu sur ses premières mixtapes à des sons de plus en plus pointus, ainsi qu’une certaine profondeur dans les thèmes choisis (abordant des sujets légers et intimes aussi bien que des considérations sociales bien affirmées) laissent penser que Duckwrth n’a pas fini de nous abreuver en musique de qualité, et c’est tant mieux!
Ron Jon Bovi – We Get It Poppin’ [2016]
Ron Jon Bovi – We Get It Poppin’ (ft. Guilty Simpson) [2016]…éminents représentants de deux des pôles les plus importants du rap américain, Casual et Phat Kat, l’un issu du crew californien Hieroglyphics et l’autre, proche collaborateur de J-Dilla à Detroit, mettent aujourd’hui leur savoir-faire en commun…ainsi, sous la direction musicale et artistique du beatmaker Unjust, ils conçoivent un projet très réussi sous le nom improbable de Ron Jon Bovi…dans un disque au titre lui aussi étrange (« Neaux Mursi »), le duo varie entre deux ambiances propres à leur style de prédilection. Ainsi, certains titres (« WWYS », « Deja Vu »…) proposent une ambiance posée chère à une certaine scène d’Oakland tandis que d’autres (à l’image du titre présenté ici qui invite Guilty Simpson, comme un lien supplémentaire entre les deux MC’s en tant que natif de Détroit et signataire sur le pointu label californien Stone Throw) sont plus proches du son abrasif pratiqué dans la Motor City…la réussite de ce projet tient dans cet équilibre instable entre les deux facettes du duo, comme si une certaine schizophrénie musicale se laissait amadouer afin de nous plonger dans des sonorités certes peu faciles d’accès parfois mais équilibrées par de subtils détails sonores ne se laissant apprécier qu’au fil des écoutes…
Black Knights – Hood Liberator [2015]
Black Knights – Hood Liberator [2015]…quel est le point commun entre les Red Hot Chili Peppers, émérites représentants d’un rock-funk aux arrangements ciselés, et le Wu-Tang Clan, meute de furieux ayant dynamité la communauté hip hop au début des 90’s ? Aucun à première vue, si ce n’est l’adoption progressive d’un son plus « pop » au cours des années.. C’était compter sans l’éclectisme de John Frusciante (ancien guitariste des RHCP et principal compositeur des meilleurs albums du groupe) et son goût de l’expérimentation. Vvéritable rat de studio au cerveau mis en ébullition par des années de consommation de psychotropes en tous genres, il se lance dans la production hip hop en remettant en selle ce groupe californien affilié au Wu-Tang (entendu pour la première fois sur la compilation « Wu-Tang Killa Bees » en 98). Le résultat de cette collaboration improbable est assez surprenant, après un premier album où le guitariste cherche encore sa patte de beatmaker, englué dans une production très lisse, le trio renouvelle l’expérience en 2015 avec ce deuxième opus (« The Almighty »). Frusciante se révèle, en tant qu’infatigable dénicheur de sons, être à la pop psychédélique ce que Madlib est au jazz (toute proportion gardée pour un beatmaker aussi peu expérimenté) et réussit à combiner habilement une certaine naïveté pop désabusée à cette noirceur urbaine purement hip hop (incarnée par les flows incisifs des deux MC’s, Rugged Monk & Crisis) en empilant des détails sonores très lo-fi dans une production fournie mais jamais démonstrative, construite autour de changements de rythmes déroutants et d’une certaine emphase. La présence du RZA en personne sur le disque semble d’ailleurs valider la démarche. Entre producteurs aux idées aussi larges que farfelues, le dialogue ne pouvait qu’être constructif…
Hail Mary Mallon – Whales [2014]
Hail Mary Mallon – Whales [2014]…après quelques années d’absence, le duo composé de Rob Sonic et Aesop Rock, deux échappés du label Def Jux, s’associe à nouveau pour l’album « Bestiary »… le climat angoissant cher au crew y est accompagné d’un feeling live plus abordable où la science du beat est à l’honneur…à l’image de ce morceau, tournant en dérision la vénalité de la société moderne, qui met en avant un beat à la saveur old school soutenu par les scratches en cascade de DJ Big Wiz…
Billy Woods – Cuito Cuanavale [2013]
Billy Woods – Cuito Cuanavale [2013]…après ses nombreuses collaborations avec Vordul Mega (moitié de Cannibal Ox), le New-Yorkais d’adoption Billy Woods poursuit son travail avec les figures emblématiques du label Def Jux…sur l’album « Dour Candy » il s’associe avec Blockhead, producteur de certains des meilleurs titres d’Aesop Rock, qui lui offre des productions où la touche « ambient » chère au beatmaker s’associe désormais à une couleur plus mélodique quoique toujours un peu inquiétante comme le prouve ce titre à la structure squelettique rappelant le hip hop dégénéré des Death Grips…
The Cloaks – Optical Conclusions [2014]
The Cloaks – Optical Conclusions (ft. Abstract Rude) [2014]…le toujours impeccable Awol One et le trop méconnu Gel Roc montrent la vivacité de la scène californienne avec un deuxième album très proche des meilleures productions Def Jux…les places fortes du West Coast Underground y sont dignement représentées : Abolano Records dont est issu Gel Roc, le crew Oldominion de Seattle (avec leur leader Onry Ozzborn) ou bien, envoyés par le label Machina Muerte, le producteur Awkward et le MC Existereo (compère de longue date d’Awol One au sein des Shape Shifters)…sur ce titre c’est avec le collectif Project Blowed (représenté par le versatile Abstract Rude) qu’ils forment une alliance imparable entre vétérans du hip hop de Los Angeles…
El-P – The Full Retard [2012]
El-P – The Full Retard [2012]….avant de surprendre la presse généraliste avec son compère Killer Mike au sein de Run The Jewels en 2013, le patron du label Definitive Jux, El-P, rappelait à tous qu’il est l’un des producteurs les plus doués de sa génération avec la sortie de l’album « Cancer for Cure »…il y poursuit les expérimentations déjà à l’œuvre chez son premier groupe, les mythiques Company Flow (chronique ici)…les sonorités psychotiques et saturées côtoient toujours des ambiances cinématographiques aussi poisseuses que planantes qui rapprochent un peu plus la musique du new-yorkais d’un trip hop délicat et torturé…
Captain Murphy – Between Villains [2012]
Captain Murphy – Between Villains (ft. MF Doom & Earl Sweatshirt) [2012]…bien connu des adeptes de l’Abstract Hip Hop pour ses albums instrumentaux parfois obscurs, le producteur californien Flying Lotus se choisit un nouvel alias (ainsi qu’un univers graphique très réussi) pour démarrer sa carrière de rappeur…sa première livraison (« Duality ») regroupe des beats forgés sur des samples improbables rappelant l’éclectisme d’un Madlib (ou d’un MF Doom, parfaitement à l’aise sur ce beat étrange et dépouillé) tandis que les raps, souvent au ralenti, sont proches du crew Odd Future (la présence d’Earl Sweatshirt sur ce titre confirme cette filiation)… (merci à KoolKlem pour la découverte)
Beastie Boys – Check Your Head [1992]
TRACKLIST : (prod. Beastie Boys/Mario Caldato Jr & Money Mark)
1- Jimmy James
2- Funky Boss
3- Pass The Mic
4- Gratitude
5- Lighten Up
6- Finger Lickin’ Good
7- So Watcha Want
8- The Biz vs The Nuge
9- Time For Livin’
10- Something’s Got To Give
11- The Blue Nun
12- Stand Together
13- Pow
14- The Maestro
15- Groove Holmes
16- Live At PJ’s
17- Mark On The Bus
18- Professor Booty
19- In 3’s
20- Namasté
Les Beastie Boys, trio de jeunes blancs-becs d’origine juive venus de Brooklyn, représentent à eux seuls tout un pan de l’histoire mouvementée du hip hop puisqu’ils sont le premier groupe blanc à émerger au sein d’une culture éminemment afro-américaine. Il furent en outre l’une des premières signatures du fameux label Def Jam avec qui ils ont sorti un unique album, « Licensed To Ill », produit par Rick Rubin. Le mariage entre le passé punk-rock du groupe et un hip hop festif et potache connut un énorme succès dans la deuxième moitié des 80’s et déclencha quelques scandales (la propension du trio à foutre le bordel au cours de leurs shows ainsi que la charge sexuelle de leurs paroles y fut pour beaucoup).
Suite à des désaccords avec Def Jam, les Beastie Boys décidèrent de créer leur propre structure de production en Californie, Grand Royal, grâce à laquelle ils purent laisser libre cours à leur créativité. « Paul’s Boutique » sort en 89 mais réalise des ventes bien moindres que son prédécesseur malgré une approche musicale plus fine saluée par les critiques et inspirée de la vague Blaxploitation des 70’s. Continuer la lecture de Beastie Boys – Check Your Head [1992]