Archives par mot-clé : 2010’s

Top Notch – Ghetto Life [2019]

Top Notch – Ghetto Life [2019]…depuis quelques années la Bankaï Fam et le label Shinigamie Records abreuvent l’underground rap de leurs prods sans concession et cet album de Top Notch (Ghetto Life) ne déroge pas à la règle. Fervent représentant de Brooklyn, le MC/toaster reprend à son compte les influences jamaïcaines qui baignent ce quartier de New York pour nous livrer un disque qui combine des beats rap assez classiques avec un flow ragga éraillé du plus bel effet. Produit intégralement par le duo de choc Ninjustice (les français Kyo Itachi et Venom, ce dernier officiant également aux scratches), le disque se révèle vite addictif pour ceux qui apprécient les beats martiaux mais pas seulement, puisque le duo de beatmakers s’est fendu de productions variées rendant toute justice à la versatilité de Top Notch.

https://shinigamierecords.bandcamp.com/album/ghetto-life

Top Albums 2010’s

Afin de clore en beauté les années 2010, il est de bon ton de nous rappeler que cette décennie nous a apporté de nombreuses joies en matière de musique rappée. Retour en une sélection de 10 albums sur cette période fertile…

Danny Brown – XXX (2011)

Le rappeur de Detroit entre dans une nouvelle dimension avec ce XXX où il expérimente de nouvelles sonorités, tour à tour frénétiques ou plus détendues. Après un début de carrière dans un style assez convenu, son flow dopé aux substances psychotropes peut désormais s’exprimer à plein sur des beats bien plus variés et aventureux. Ainsi, sur des instrus enfin à sa mesure, Danny Brown montre avec une aisance déconcertante et un certain panache, toute sa panoplie de MC. Indispensable!

A$ap Mob – Lords Never Worry (2012)

La clique A$ap n’est jamais meilleure que quand elle est réunie au complet (cf. la série des Cozy Tapes) et le prouve dès ce premier projet commun. Sorte de carte de visite du crew, cette mixtape symbolise à merveille l’adoption par les jeunes générations de rappeurs new-yorkais des codes musicaux auparavant réservés au Dirty South : ambiances comateuses héritées du chopped & screwed, rythmiques hachées et flows saccadés, omniprésence de claviers, aussi bien lugubres que plus vaporeux. Le groupe y rajoute une agressivité bienvenue et une touche plus classique sur certains beats, faisant de l’ensemble une excellente surprise pour qui est peu habitué à ce genre de mélodies modernes.

Earl Sweatshirt – Doris (2013)

Si l’on doit désigner LE collectif qui a bousculé les codes du rap lors de cette décennie, les californiens d’Odd Future peuvent sans conteste prétendre au podium. Avec ce Doris, Earl Sweatshirt dépasse pourtant le travail de son groupe grâce à des compositions plus abordables et un flow moins dispersé. Malgré un travail de production toujours très brut (qui s’affirmera complètement sur son album suivant), le jeune rappeur réussit un petit miracle en rendant l’ensemble certes déroutant, mais tout à fait passionnant.

Quasimoto – Yessir, Whatever (2013)

Madlib est très certainement le beatmaker qui a le plus marqué ses contemporains durant les années 2010 grâce a une productivité élevée et une inventivité débridée. Il a aussi réussi l’exploit de produire des albums d’une grande qualité avec un rappeur sous hélium au micro (en fait son alter ego), et ce dernier projet n’est clairement pas en reste. Avec ses productions bourrées de samples improbables et de ruptures instrumentales inattendues, le californien entraîne son auditeur dans un tourbillon sonore aux délices sans fin et montre qu’il est toujours capable d’instrumentations bluffantes de simplicité et pourtant si addictives.

Mac Miller – Watching Movies With Sound Off (2013)

Projet charnière du très regretté Mac Miller, cet album fait passer le jeune rappeur de l’adolescence à l’âge adulte en proposant des morceaux aux rythmiques assez enlevées mais marqués d’un certain spleen naissant. Le talent du MC à épouser des beats très variés aussi bien qu’à les composer n’est sûrement pas étranger à cette impression de facilité désinvolte qui se dégage d’un projet à la saveur « psychédélique » rafraîchissante.

Schoolboy Q – Oxymoron (2014)

Les premières sorties assez fades du MC californien ne laissaient pas vraiment présager des audaces stylistiques dont il serait capable sur cet Oxymoron qui le rapproche des standards de la pop moderne. Chaque morceau va au bout de ses idées et que le beat soit menaçant ou plus dansant, Q assume et met tout le monde d’accord. Malgré quelques moments plus faibles, la puissance de certains morceaux (testez Collard Greens en soirée, vous m’en direz des nouvelles !) justifie amplement la présence de cet album au panthéon des années 2010.

Step Brothers – Lord Steppington (2014)

La promesse d’un album produit entièrement par Alchemist, beatmaker surdoué de Beverly Hills, pour son vieux pote Evidence, laissait présager d’un contenu de qualité. Et Lord Steppington ne déçoit pas. La rigueur du MC étant parfaitement combinée avec ces compositions étranges à l’ampleur cinématographique dont Alchemist a le secret. Le producteur semble avoir trouvé le rappeur parfait pour développer encore un peu plus sa recette aux samples ciselés, l’une des plus influentes de cette décennie rapologique. Dans un déluge de détails agencés avec soin, le duo transcende l’harmonie qui peut régner entre deux artistes. Une vraie réussite!

The Underachievers – It Happened In Flatbush (2016)

Les premiers albums du duo venu de Brooklyn, bien que tout à fait honorables, semblaient parfois un peu hésitants. Ici, mettant une nouvelle fois en évidence la déferlante sudiste sur la capitale du rap, ils explosent définitivement les barrières en adoptant les rythmiques hypnotiques de la trap tout en y ajoutant des basses énormes semblant héritées du G-funk le plus sombre. Porté en outre par des flows à la volubilité impressionnante, cet album est une grosse claque pour quiconque penserait encore que le rap moderne n’est fait que de productions interchangeables et insipides.

Czarface – Fistful of Peril (2016)

Ce super-groupe, connexion incongrue entre les Bostoniens 7L & Esoteric et Inspectah Deck, fine lame du Wu-Tang Clan, propose depuis 2013 une discographie sans failles dont chaque pièce pourrait se retrouver dans cette anthologie. Fistful of Peril est le dernier projet du trio avant qu’il n’intègre d’autres rappeurs pour des albums communs (MF Doom puis Ghostface Killah) et apparaît comme le plus abouti. La science du sample de 7L (soutenu par Todd Spadafore) est ici bien mieux maîtrisée pour un rendu plus compact où la fantaisie laisse place à la rigueur, pour le plus grand bonheur des amateurs de productions martiales mais inventives.

Conway – GOAT (2017)

Imposer la ville de Buffalo sur la carte du rap US n’était pas une mince affaire et pourtant c’est ce que la clique Griselda, et son nombre faramineux de sorties (valant pratiquement toutes le détour), a réussi à accomplir. Mais au milieu de cette profusion, et grâce à un flow toujours impeccable, le nom de Conway ressort clairement du lot. Comme souvent soutenu par l’irréprochable beatmaker Daringer, le MC développe ici son style lugubre tout en violence contenue, sur des beats rêches et cradingues conçus pour faire hocher la tête des b-boys les plus endurcis, justifiant ainsi amplement le titre du disque. Une tuerie!

Cenza – Ma Gueule [2019]

Cenza – Ma gueule [2019]…MC « tout droit sorti de Montreuil » comme l’indique le titre de ce nouvel opus, Cenza adopte un son en tous points conforme aux codes du rap californien des 90’s. Après avoir investi des productions lugubres très « new-yorkaises » avec son groupe l’Uzine, le rappeur se créé ici un univers peuplé de lowriders rutilants et de flows sautillants portés par des prods aux basses pneumatiques et claviers stridents propres au g-funk. Mais réduire cet album à un enchaînement de sons ensoleillés serait bien mal connaître notre homme. Aidé aux manettes par Beubtwo, Cenza n’oublie pas le côté sombre du Gangsta Rap, en parsemant l’album de titres plus inquiétants où le ton séditieux du MC fait merveille (cf. le titre « Assassin de l’Etat »). Ce projet tout à fait inattendu quand on connaît le style développé habituellement par le bonhomme est une vraie réussite et une énorme claque à écouter d’urgence!

Defenders of Style – Idle Eyes [2018]

Defenders of Style – Idle Eyes [2018]…Originaire de Leeds (UK), ce groupe constitué des MC’s Joe Snow, Prys et Jack Danz (également beatmaker) propose dans l’album « Upper Echelon » des compositions au minimalisme plus affirmé que dans leurs précédents projets. Voyageant sur des beats faits de basses vaporeuse et de sons étranges et hypnotiques, les flows se font plus décontractés tout en étant bien mieux maîtrisés, faisant ainsi du disque une jolie réussite qui ravira les amateurs de ces ambiances comateuses caractéristiques du rap britannique contemporain…

https://defendersofstyle.bandcamp.com/album/upper-echelon

Princess Nokia – Tomboy [2017]


Princess Nokia – Tomboy [2017]…à l’occasion de la sortie du nouveau projet de la jeune rappeuse new-yorkaise (en écoute ici), dans lequel elle explore différents genres musicaux et laisse libre cours à sa fantaisie musicale (et ne rappe quasiment pas), il est bon de rappeler qu’elle est aussi capable de coller au rap le plus exigeant. Ainsi, en 2017, elle proposait un album (« 1992 ») dans lequel elle développe avec talent un style tout à fait personnel fait d’un flow polymorphe s’adaptant aussi bien à des beats boom bap qu’à des sons plus modernes. Dans ces derniers, les véritables réussites de l’album (cf. ce « Tomboy » à la rythmique saccadée), la rappeuse promène son timbre de voix nonchalant et son débit sautillant sur des arrangements aux mélodies toutes simples mais agencées avec soin inspirées de la house music la plus planante ainsi que de la trap la plus trépidante (avec parfois un feeling old school et dansant tout à fait bienvenu). Princess Nokia prouve qu’on peut s’essayer à toutes les audaces stylistiques sans perdre sa cohérence (ou l’intérêt du public lassé des productions grandiloquentes et fades) et qu’elle est une des artistes  avec laquelle il va falloir compter à l’avenir…

Babylon Dead – ACAB [2017]


Babylon Dead – ACAB [2017]…ce duo constitué de l’excellent toaster Jman et du beatmaker Illinformed propose des productions qui collent parfaitement à la couleur musicale baignant une grande partie de la scène rap anglaise contemporaine. L’album « 2000 BD » est ainsi constitué d’arrangements boom bap sans concession du meilleur effet, tantôt uptempo pour une vibe ragga à son paroxysme, tantôt faits d’une matière plus sombre et cotonneuse chère à la fine fleur du hip hop made in UK (Leaf Dog et BVA en tête, qui ont signé le groupe sur leur label, mais aussi Verb-T, Fliptrix ou Lee Scott) et rappelant que l’alliance entre rap underground et ragga endiablé peut être tout à fait judicieuse lorsqu’elle est bien exécutée..

https://rldrecords.bandcamp.com/album/2000-bd

Problem – Rosecrans [2017]

Problem – Rosecrans [2017]…s’il est une chose qu’on peut affirmer à propos de ce talentueux jeune MC venu de Compton, quartier de Los Angeles bien connu des amateurs de g-funk, c’est qu’il sait s’entourer! Entièrement produit par le vétéran DJ Quik, « Rosecrans » (version augmentée d’un précédent EP concocté par la même équipe) invite le old timer MC Eiht mais aussi The Game (qui pose sur ce morceau éponyme à la suavité rafraîchissante) ou Wiz Khalifa. Ce funk vintage particulièrement prisé par Quik avec ses basses rondes et ses claviers envoûtants sait aussi faire place à des instrus plus modernes et grandiloquentes pour un ensemble où pointe une certaine mélancolie mais qui montre surtout l’étendue du talent de DJ Quik, toujours au top de la production californienne et capable de s’adapter sans faillir aux MC’s de la nouvelle génération…

Ocean Wisdom – Revvin’ [2018]

Ocean Wisdom – Revvin’ (ft. Dizzee Rascal) [2018]…signé sur l’excellent label High Focus Records, ce rappeur originaire de Londres revient avec un album fleuve (plus d’une vingtaine de titres), « Wizville », qui se montre bien plus varié que son premier essai à la saveur assez classique. Dans cet album où les producteurs se multiplient, les morceaux sont partagés entre des rythmes boom bap à la basse ronde fleurant bon les années 90, et des titres plus « dansants » inspirés de la drum n bass ou d’autres calqués sur le modèle de la trap la plus sombre. A côté d’invités prestigieux comme Dizzee Rascal ou Method Man (ainsi que d’illustres MC’s anglais : Jehst, Rodney P ou Roots Manuva), le flow polymorphe d’Ocean Wisdom se partage entre débit frénétique et diction plus posée dans un ensemble parfaitement maîtrisé à la qualité formelle indéniable…sans conteste un des meilleurs projets de 2018!

Ocean Wisdom (High Focus Records)

 

El Da Sensei – Mic Professionals [2017]


El Da Sensei – Mic Professionals [2017]…issu du duo Artifacts (éminent représentant du boom bap du New Jersey pendant les 90’s), El Da Sensei est certainement celui qui a su le mieux garder le cap en solo (son compère Tame One, malgré quelques sorties réussies, s’étant un peu perdu dans des projets médiocres)…pour preuve, cet album confectionné en partenariat avec le beatmaker belge Chillow, propose un boom bap sans concession reprenant les codes du genre (claviers étouffés à la Pete Rock, instrumentations économes, basses profondes et rythmiques martiales) magnifié par les scratches du toujours excellent DJ Grazzhoppa…dans un ensemble assez équilibré, entre arrangements lugubres ou plus solaires et sautillants, réalisé avec une certaine finesse et un savoir-faire indéniable, le flow sans fioritures de notre old timer fait merveille pour un album qui s’écoute sans lassitude…

Jupiter AKA – Lu$t [2017]


Jupiter AKA – Lu$t (ft. Nolan The Ninja) [2017]…en se regroupant en une seule entité pour l’album « Great Red Spot », les beatmakers français issus du collectif Shinigame (Azaia, Kyo Itachi et Astronote) ont mis en commun leur savoir-faire en matière d’instrumentaux sans concession…réunissant une sélection de MC’s aux flows acérés : Ruste Juxx, Rock (de Heltah Skeltah), la Bankai Fam ou bien encore l’excellent rappeur de Detroit, Nolan The Ninja (dont tous les projets sont d’ailleurs hautement recommandables) ils démontrent qu’on peut pratiquer un rap exigeant musicalement sans pour autant abandonner une certaine finesse d’exécution…dans un ensemble baigné d’arrangements jazzy, de rythmiques rêches à l’ambiance sombre, rares sont les moments chaleureux, pour le plus grand plaisir des b-boys les plus avisés…

https://brainconnection1978.bandcamp.com/releases