Beastie Boys – Check Your Head [1992]

TRACKLIST : (prod. Beastie Boys/Mario Caldato Jr & Money Mark)
1- Jimmy James
2- Funky Boss
3- Pass The Mic
4- Gratitude
5- Lighten Up
6- Finger Lickin’ Good
7- So Watcha Want
8- The Biz vs The Nuge
9- Time For Livin’
10- Something’s Got To Give
11- The Blue Nun
12- Stand Together
13- Pow
14- The Maestro
15- Groove Holmes
16- Live At PJ’s
17- Mark On The Bus
18- Professor Booty
19- In 3’s
20- Namasté

Les Beastie Boys, trio de jeunes blancs-becs d’origine juive venus de Brooklyn, représentent à eux seuls tout un pan de l’histoire mouvementée du hip hop puisqu’ils sont le premier groupe blanc à émerger au sein d’une culture éminemment afro-américaine. Il furent en outre l’une des premières signatures du fameux label Def Jam avec qui ils ont sorti un unique album, « Licensed To Ill », produit par Rick Rubin. Le mariage entre le passé punk-rock du groupe et un hip hop festif et potache connut un énorme succès dans la deuxième moitié des 80’s et déclencha quelques scandales (la propension du trio à foutre le bordel au cours de leurs shows ainsi que la charge sexuelle de leurs paroles y fut pour beaucoup).
Suite à des désaccords avec Def Jam, les Beastie Boys décidèrent de créer leur propre structure de production en Californie, Grand Royal, grâce à laquelle ils purent laisser libre cours à leur créativité. « Paul’s Boutique » sort en 89 mais réalise des ventes bien moindres que son prédécesseur malgré une approche musicale plus fine saluée par les critiques et inspirée de la vague Blaxploitation des 70’s.

Misant une nouvelle fois sur l’originalité, cet opus ressemble donc à un come-back pour ces « vétérans » du circuit hip hop. Trois ans ont ainsi été nécessaires pour composer les instrumentations live d’un disque qui pose le travail de musicien comme base principale du groupe. Ainsi ils assurent eux-mêmes les arrangements (Mike D à la batterie, Ad Rock à la guitare et MCA à la basse, comme le suggère l’artwork) en même temps qu’ils s’occupent de tous les vocaux. Leurs lyrics, parsemés de références populaires et d’un soupçon d’écologie, évoquent le plaisir de faire de la musique ensemble avec cette saveur old school inimitable où l’utilisation du mégaphone n’est désormais plus systématique, laissant du répit à l’auditeur fatigué des saturations vocales du premier album. Epaulés par le producteur Mario Caldato Jr, maître d’oeuvre des meilleurs albums du groupe et caricaturé dans le titre « Funky Boss », et par l’excellent Money Mark, responsable des claviers et de la plupart des titres instrumentaux du disque, les Beastie Boys livrent un album personnel et abouti qui annonce en partie la décennie rap à venir. En effet, les basses profondes de « Jimmy James » rappellent le crew Soul Assassins au milieu des 90’s, le mariage de guitares rock à la puissance rythmique du rap (« The Maestro ») annonce la fusion à la Rage Against The Machine et ces ruptures stridentes, impromptues et déroutantes (« Stand Together », « Professor Booty », vengeance contre MC Serch de 3rd Bass qui les avait accusés de corrompre le rap pour en faire la nouvelle pop de la middle-class blanche) ont sûrement influencé des beatmakers comme El-P, lui aussi friand d’innovations.
« Check Your Head » montre surtout que l’on peut faire du rap en synthétisant des influences très diverses, il décloisonne le genre en faisant tomber les barrières musicales et décomplexe les producteurs hip hop dont les possibilités se trouvent alors démultipliées. Cet album tient autant du pur hip hop grâce à la science du scratch de DJ Hurricane (à l’oeuvre dans « Finger Lickin’ Good ») que du punk le plus basique (« Time For Living ») ou que des années 70, entre le psychédélisme le plus vaporeux (« Something’s Got To Give »), Santana pour les percus omniprésentes et les claviers freestyle (« Lighten Up »), Isaac Hayes pour les arrangements multi-facettes qui semblent interminables (« Groove Holmes »), voire même Stevie Wonder pour ces rythmiques plaquées à l’orgue (« So Watcha Want »). L’impression d’une énorme jam funk-rock enregistrée à l’arrache (« Gratitude », « Pow », « Live At PJ’s »), prédomine à l’écoute du disque mais on imagine qu’un tel foutoir musical fut assez difficile à rendre écoutable. Et c’est bien là que réside le génie des Beastie Boys : ne jamais se prendre au sérieux tout en étant l’un des groupes les plus inventifs de l’histoire du rap et réussir à donner l’impression que ce travail ne leur demande pas vraiment d’efforts.

Cette recette sera effective sur chacun de leurs disques et donnera lieu à de grands moments : « Ill Communication », aboutissement de la formule utilisée ici, le rétro-futuriste « Hello Nasty », les albums instrumentaux comme le très bon « The Mix Up » ou bien le plus classique « To The 5 Boroughs ». Aucune fausse note dans la carrière du groupe qui sait se réinventer à chaque sortie sans faire tout un plat de cette créativité insatiable. Les Beastie Boys s’amusent simplement à balancer du son au feeling, pourvu qu’il soit bon, peu importe d’où il vient, la surprise et la qualité étant toujours au rendez-vous. Seule la mort semble pouvoir arrêter ces trublions dans la conquête de nouveaux fans et dans leur volonté d’amener le hip hop plus loin…
RIP MCA

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