TRACKLIST : (prod. Jungle Brothers)
1- Beyond This World
2- Feelin’ Alright
3- Sunshine
4- What U Waitin’ 4 ?
5- U Make Me Sweat
6- Acknowledge Your Own History
7- Belly Dancin’ Dina
8- Good Newz Comin’ (instru)
9- Done By Forces Of Nature
10- Beeds On A String
11- Tribe Vibes
12- J Beez Comin’ Through
13- Black Woman
14- In Dayz 2 Come
15- Doin’ Our Own Dang (ft. De la Soul/A Tribe Called Quest/Monie Love)
16- Kool Accordin’ 2 A Jungle Brother
Pour toute une partie du public rap ne se reconnaissant pas, à la fin des 80’s, dans le hardcore de Eric B & Rakim et de Boogie Down Production ou bien dans le personnage de lover de LL Cool J, la profession de foi des Jungle Brothers (« It all began in Africa ») marque une nouvelle étape dans l’histoire du hip hop.
En effet, même si ces trois natifs de Harlem ne sont pas les fondateurs du crew Native Tongues, véritable bouffée d’air frais pour la scène musicale urbaine de cette époque, ils sont les premiers à réaliser un album et peuvent donc en être considérés comme les doyens.
Car avant de rejoindre De La Soul et A Tribe Called Quest (le noyau dur des Native Tongues), Mike Gee, Afrika Baby Bam et DJ Sammy B furent signés par Warlock, petit label indé sur lequel ils sortent « Straight Out The Jungle » en 1988. Malgré les excellentes critiques, le disque passe relativement inaperçu. La faute peut-être à un panel de samples éclectiques et déroutants pour le microcosme hip hop, allant de James Brown à Black Sabbath et de Jimmy Castor Bunch à la house music. « I’ll House You » (produit par Todd Terry) réduira d’ailleurs le groupe à sa facette électro, éclipsant ses capacités rapologiques.
Ce démarrage en demi-teinte n’empêche pas Warner de signer les J-Beez pour leur deuxième livraison. Le groupe faisant désormais partie intégrante des Native Tongues, la major chercha à surfer sur ce nouveau courant alliant humour décalé, critiques cyniques, ironie moqueuse, afrocentrisme, coolitude et allusions sexy, rappé tout en finesse sur des instrus tranquilles et dansantes. C’est dans cet état d’esprit que le deuxième album des Jungle Brothers s’inscrit parfaitement.
Les thèmes tournent toutefois plus autour de l’afrocentrisme, théorie prônant un retour aux racines africaines des Noirs américains descendants d’esclaves arrachés à leur terre natale. Les J-Beez sont de ce fait proches de la Zulu Nation (organisation éducative créée par Afrika Bambaataa qui codifia le hip hop et ses quatre éléments constitutifs), dont le logo apparaît dans le livret du disque, et de sa campagne de pacification (« Stop The Guns »). Les Jungle Brothers, bien que lucides et critiques sur le monde moderne, restent optimistes et font en sorte de pacifier l’atmosphère par l’éveil des consciences, le respect d’autrui, la diététique et l’amusement.
Tout ceci se traduit à la fois dans leurs lyrics et dans les ambiances sonores qu’ils distillent eux-mêmes (comme chacun des Native Tongues). Les beats sont parfois soutenus lorsque le groupe se fait sérieux et aborde l’afrocentrisme : sur « Beyond This World » par exemple, dont le break électro fait le lien avec le premier album, ou sur « Acknowledge Your Own History » qui explique le parcours d’un Noir à la recherche de l’histoire de son peuple dans une Amérique blanche qui nie son passé.
Dans « Black Woman », le rythme devient plus profond et sensuel, montrant les sentiments du groupe pour celles qui sont autant mères que femmes, à la fois protectrices et inspiratrices. « Done By The Forces Of Nature » aborde l’écologie, sujet assez rare dans le hip hop, en personnifiant la Terre nourricière nécessaire à toute vie et mère de toutes choses. Ils s’inspirent pour cela des traditions animistes dont ils reproduisent les rituels tribaux dans le très rythmé « Tribe Vibes » au beat hypnotique presque techno. Le même processus musical est utilisé dans l’instru « Good Newz Comin » où Sammy B mixe percussions et instruments à cordes africains à des guitares et des harmonies vocales héritées de la soul Américaine.
Le reste du disque est plus enjoué et les beats plus funky. L’enchaînement « What U Waitin’ 4 ? »/« U Make Me Sweat » est une déclaration d’amour au hip hop créé pour faire danser les foules, comme dans les block parties des 70’s. Les scratches de Sammy B se font « maladroits » tandis que le beat sature et explose les enceintes.
Cette obsession du rythme, oscillant entre convention et innovation, se retrouve dans « Beeds On A String » qui reste dans la tradition mais est construit autour d’un sample des rockeurs de Black Sabbath, montrant que les J-Beez ne veulent pas s’enfermer dans un seul style.
Même au sein des thèmes qu’il développe, le trio cherche sa propre voie. Ainsi dans « Belly Dancing Dina » (qui sample ce clavier des Ohio Players surexploité par le Gangsta Rap) ils adaptent leur vision de la femme à leur envie de fun, estimant que le respect ne doit pas brider la libido.
Bien que l’identité du groupe transparaisse fortement dans ces titres, les Jungle Brothers s’inscrivent dans la mouvance Native Tongues. La guitare discrète et sautillante de « Feelin’ Alright » et « J Beez Comin’ Through » au refrain catchy contrastant avec un piano allègre que ne renierait pas De La Soul, en sont les preuves. Le trio termine d’ailleurs l’album avec un posse cut (« Doin’ Our Own Dang ») réunissant cette famille de « hippies » urbains dans une joute verbale pleine d’allégresse.
Malgré la qualité de « Done By The Forces Of Nature », dont l’ambiance old school et positive n’empêche pas un discours réfléchi et des samples recherchés, le disque sera un peu ignoré en partie à cause de l’explosion du premier album de leurs compères De La Soul sorti la même année.
Les problèmes de ventes médiocres vont ensuite plomber les relations du groupe avec son label, ainsi quatre années seront nécessaires aux J-Beez pour sortir « J Beez Wit The Remedy », album plutôt difficile d’accès et dont l’originalité ne paiera pas plus.
En 97, les Jungle Brothers tentent à nouveau leur chance mais bien que « Raw Deluxe » soit vraiment une réussite, dans un style plus classique, le groupe a raté le coche du succès commercial. Il sera à jamais respecté pour sa créativité, sa persévérance et son influence mais sa réussite restera cantonnée au milieu hip hop…
A ECOUTER AUSSI : ULTRAMAGNETIC MC’S – Critical beatdown [1988]/EPMD – Strictly business [1988]/STEREO MC’S – 33 45 78 [1989]