TRACKLIST :
1- Bullshit (prod. Jay Dee)
2- Pharcyde (prod. Bootie Brown)
3- Groupie Therapy (prod. Diamond D)
4- Runnin’ (prod. Jay Dee)
5- She Said (prod. Slim Kid)
6- Splattitorium (prod. Jay Dee)
7- Sometin’ That Means Somethin’ (prod. Jay Dee)
8- All Live (skit)
9- Drop (prod. Jay Dee)
10- Hey You (prod. Slim Kid)
11- Y? (prod. Bootie Brown/Jay Dee)
12- It’s All Good! (skit)
13- Moment In Time (prod. M-Walk/Slim Kid)
14- The Hustle (ft. Big Boy/Schmooche Cat & Randy Mack) (prod. Bootie Brown)
15- Devil Music (prod. Fat Lip)
16- The E.N.D. (prod.M-Walk)
Le parcours de The Pharcyde semble aussi fluide que les flows du quatuor et commence dans le quartier de South Central, surtout connu pour ses gangs ultra -violents et son gangsta rap aux textes crus et teinté de funk.
Bootie Brown, Imani et Slim Kid sont alors danseurs et forment le groupe Two For Two qui apparaît notamment dans le populaire show télé « In Living Color ». Grâce à cette exposition médiatique, ils intègrent un programme de développement artistique pour les jeunes en difficulté dans lequel ils rencontrent Fat Lip et leur futur producteur, J-Swift. Ils écument alors les scènes ouvertes où ils élaborent leur style spontané, vite apprécié et souvent copié (comme ils l’évoquent dans « Bullshit », « Drop » ou « Pharcyde »). Après le remarqué « Soul Flower » sur le projet rap des Brand New Heavies, c’est la consécration en 1992 avec « Ya Mama » et surtout l’intemporel « Passin’ Me By », extraits de leur premier album « Bizarre Ride 2 The Pharcyde » qui atteint le million d’exemplaires vendus aujourd’hui. En l’espace de quelques années, d’un obscur groupe de danseurs à peine visibles derrière des artistes confirmés, The Pharcyde est devenu le fer de lance d’une scène californienne dont les influences sont plus à chercher chez les Native Tongues que chez NWA.
Mais là où la qualité de leur premier opus frappait d’emblée par son éparpillement survitaminé, « Labcabincalifornia » s’impose dans le temps jusqu’à devenir incontournable pour nombre d’auditeurs.
Durant les trois ans qui séparent les deux disques, le groupe a perfectionné sa recette pour l’appliquer à un album plus mature, leur fougue juvénile quelque peu épuisée par les tournées incessantes. Les quatre rappeurs sont en effet restés sur les routes pendant deux ans avant de pouvoir souffler dans leur studio de Los Angeles, qui donne son titre à l’album, afin d’y concrétiser les idées qui ont germé au cours de leurs voyages. Cela leur prit une année entière pour effectuer ce travail de création, pas étonnant que le contraste soit si flagrant et que l’exubérance des débuts ait laissé place à une attitude plus modérée faisant de « Labcabincalifornia » une sorte de bilan de la carrière du groupe originel. En effet le départ de J-Swift, dont les instrus sautillantes du premier album ne correspondent plus à ce nouvel état d’esprit apaisé, est ici effectif. Chaque membre peut alors se lancer dans la production musicale, avec l’aide de Diamond D (sorti de la crasse new-yorkaise pour bercer « Groupie Therapy » d’un xylophone paresseux), M-Walk (également aux scratches) et Jay Dee (alias J-Dilla), dont c’est l’une des premières réalisations en solo. Formé à l’école A Tribe Called Quest au sein du collectif The Ummah, celui-ci deviendra un producteur majeur grâce à un son innovant et des collaborations fructueuses (Slum Village, Erykah Badu, Janet Jackson, Madlib).
Bien que l’album soit entièrement réalisé en studio, chaque morceau paraît être le fruit de sessions live où les instruments remplacent les samples, les interludes (le bien nommé « All Live » ou « It’s All Good ») et les photos du livret confirmant cette impression. Les productions sont ainsi vraiment abouties pour donner un résultat aussi classieux que ces costumes blancs arborés sur l’artwork.
Les claviers paraissent omniprésents au milieu de ces arrangements hip hop, ils sont mixés à l’envers sur « Drop » (de là vient probablement l’idée du clip monté à rebours), ou sont empilés en couches diffuses sur « Bullshit » ou « Pharcyde » et en nappes délicates sur « Y? ».
Cette mixture est d’ailleurs une constante, les sons restant en retrait pour ne pas prendre le pas sur les phases polymorphes des MC’s. Ce méticuleux travail sur la conception sonore donne une ambiance harmonieuse gardant l’énergie du premier opus tout en la canalisant, le groupe ne fait désormais plus rien par hasard (« Somethin’ That Means Somethin » comme ils disent).
La présence récurrente des femmes, autant au chant (« She Said », « Moment in Time », « Hey You »,« Y? ») que comme inspiration majeure, ajoute encore à cette vibe veloutée si agréable à l’oreille. Les capacités de chanteurs du groupe (limitées certes mais pleines de cœur) sont mises elles aussi en avant dans « Runnin » (qui sample avec bonheur la guitare de Stan Getz) et « She Said » au beat faisant gentiment dodeliner de la tête. Tous les tracks ont d’ailleurs cet aspect ensoleillé caractéristique de la Côte Ouest, The Pharcyde développant un rap laidback à souhait à partir d’influences jazzy qui rappellent The Roots ou Digable Planets, nous transportant immédiatement dans une tranquille soirée estivale baignée d’effluves relaxantes (« Splattitorium » aussi enfumé que le « Pack the Pipe » du premier album), et nous laissant réfléchir sur l’existence (« Moment in Time ») ou les relations amoureuses (« Groupie Therapy »).
Pour terminer l’album le groupe revient à des formules plus connues. Avec « The Hustle » il évoque ses débuts, sur un beat enlevé et un sample de violons, et l’irrésistible succès qui l’a tiré du ghetto. Puis ils deviennent plus graves, aidés en cela des scratches vocaux du Wu-Tang, abordant dans « Devil Music » les désillusions vis-à-vis du music biz après leur départ fulgurant et plein d’enthousiasme. Enfin, « The E.N.D. » conclue le disque en alliant une rythmique soutenue qui aurait pu figurer sur « Bizarre Ride.. » à un saxo et un clavier live caractéristiques de l’ensemble de « Labcabincalifornia ». La boucle est bouclée.
Peu après ce coup de maître, Fat Lip puis Slim Kid prennent leur liberté pour entamer des carrières solos plutôt confidentielles. Le reste du groupe continue pourtant son chemin mais la sauce ne prend sur aucun de leurs projets récents, n’atteignant jamais les sommets de leurs prédécesseurs. L’état de grâce habitant « Labcabincalifornia » s’étant envolé, profitons de cet album, perpétuel freestyle musical à la fraîcheur communicative…
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