Boo Yaa TRIBE – Doomsday [1994]

TRACKLIST : (prod. Boo Yaa Tribe & Will Roc)
1- Intro (2 Minutes Warning)
2- Set Tripping
3- Kreepin’ Through Your Hood
4- Get Gatted On
5- Devil Can’t Have Me
6- Doomsday
7- Janitor (skit)
8- Gangstas Of The Industry
9- Shoot ‘Em Down
10- House Full Of Gangsters (ft. Roc Slanga/Bloody Mary/Will Roc/Bob Dog/Spartacus)
11- Put Dat On Something
12- Tribal Warfare
13- Mad Samoan (ft. Spartacus)
14- Gang Related (co-prod. Chocolate/Ghetto Life)
15- Kill ‘Em All
16- Death Row California
17- Samoan Mafia

Avec ce disque sans concession, on touche à l’essence même du gangsta rap des 90’s. Pas de bling bling ici, la noirceur seule saute aux oreilles. Les frères Devoux, fratrie samoane qui compose la Boo Yaa Tribe, ne sont pas là pour pour brader leur style de vie violent, ni pour faire honte à leur quartier de Carson, Los Angeles. La sentence serait sans appel et on l’imagine expéditive au vu des histoires relatées dans leurs textes. Tous affiliés au gang des Bloods, les ennuis judiciaires des différents membres du groupe vont du trafic de drogue au port d’arme illégal, jusqu’à l’emprisonnement pour meurtre.
Les 6 colosses aux corps multi-tatoués ne sont donc pas là pour plaisanter. Gangxsta Ridd, le principal rappeur, et ses collègues au micro, Samoan Godfather et Murder One, Monsta O (basse), Kobra et Compton Gizz pour les choeurs, ont pourtant voulu sortir de ces guerres fratricides. Après la mort de leur plus jeune frère, ils décident de s’éloigner du quartier et de se consacrer à la musique, apprise dans l’église paternelle. Pour ce faire, ils créent un groupe de danse funk, vont se produire au Japon, où ils obtiennent un certain succès, et s’essayent petit à petit au rap.
En 1990, ils rentrent aux Etats-Unis pour devenir le premier groupe samoan à sortir un album hip hop, ce sera « New Funky Nation », dans lequel ils allient le funk à leur maîtrise des instruments live. Cette originalité pour un groupe de rap, en plus de leur image, explique le succès du disque bien qu’il ne se démarque pas vraiment des prods californiennes de l’époque.

Après ce coup d’essai au style assez léger, Boo Yaa Tribe décide de faire honneur à son nom, qui additionne le bruit d’un fusil à pompe (Boo Yaa en argot gangsta) et l’acronyme « Too Ruff International Booyaa Empire », pour délivrer un disque qui exclut désormais tout enjouement funk. Les frangins reviennent en force avec « Doomsday » et nous plongent dans l’ambiance hostile de leur ghetto où les fusillades sont quotidiennes et les morts bien réels.
On a l’impression que Boo Yaa Tribe a voulu pousser à l’extrême la logique gangsta rap en alliant la lourdeur de certains samples à la frénésie des rythmiques parfois épaulées par des guitares métal, voie qu’ils exploreront plus tard, notamment en collaborant avec Faith No More sur la BO de Judgment Night. Ils mettent ainsi en avant ces racines rock très présentes dans les ghettos californiens pas seulement baignés de funk, contrairement à ce que montre la majorité des groupes du coin.

Il semble en outre évident que la bande a des comptes à régler, avec les gangs rivaux dans un premier temps, mais aussi avec les rappeurs qui critiquent le mode de vie gangsta, ceux qui l’ont vécu et qui le renient maintenant qu’ils sont connus ou bien encore ceux qui en parlent sans l’avoir pratiqué. Pour cela les frangins utilisent les recettes du genre et les appliquent sans demi-mesure : quand les morceaux sont graves, le son est très lourd, la voix de Gangxsta Ridd descend dans les basses et ralentit son débit (« Devil Can’t Have Me »). Et lorsqu’il s’agit de montrer la détermination du clan, les samples se déchaînent, les guitares et la basse crachent tout ce qu’elles ont, les rythmiques s’emballent (« Get Gatted On », « Mad Samoan »).
Mais ce sont les morceaux les plus équilibrés, ceux où le funk se fait inquiétant, évoquant un coucher de soleil sur un paysage de fin du monde, qui marquent le plus. « Doomsday » relate l’exécution imminente d’un détenu qui n’a jamais su vivre autrement que comme un voyou, « Put Dat On Something » au clavier entêtant et au beat sec affirme l’authenticité des Boo Yaa Tribe, thème repris face aux « Gangstas Of The Industry » qui, en faisant de cette vie une vitrine publicitaire, ne respectent pas les amis décédés.
Sur « Kreepin’ Through Your Hood » le groupe fait la synthèse de ses principales influences avec un beat surchauffé éclaboussant un riff de guitare strident et des choeurs que l’on retrouve dans tout le disque, rappelant autant les chants traditionnels samoans que ceux du gospel de leur enfance. « Tribal Warfare » et « Samoan Mafia » mettent quant à eux l’accent sur le côté old school des rythmiques et sur les voix lyriques, « House Full Of Gangsters » laisse également place au ragga avec le terrible Spartacus aux cordes vocales furibardes. Pour finir, « Death Row California » annonce en partie ce que sera le futur du groupe puisque c’est le morceau « rock » du disque, son ambiance glacée différant tout de même des compos très métal qu’ils produiront ensuite.

On l’aura compris, « Doomsday » ne révolutionne rien mais reste l’un des meilleurs albums du genre. Non seulement grâce à des productions solides mêlant agressivité gangsta et coolitude californienne, mais surtout parce que les lyrics sont autant de témoignages touchant directement ceux qui les chantent. Boo Yaa Tribe n’est pas un produit marketing à qui une maison de disques a inventé un passé sulfureux. Ces Samoans montrent à tous comment vivent les vrais bandits, entre résignation désabusée devant un quotidien violent, et sans issue heureuse, et une volonté de survivre par l’allégeance à une bande criminelle. Pas besoin de slogans didactiques pour ce rap puisqu’il propose une réflexion sur un quotidien par la mise en musique d’histoires vécues. Pour le meilleur ou pour le pire, la force de l’exemple fera le reste…

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