Organized Konfusion – Stress : The Extinction Agenda [1994]

TRACKLIST : (prod. Organized Konfusion, * prod. Buckwild)
1- Intro
2- Stress*
3- The Extinction Agenda
4- Thirteen*
5- Black Sunday
6- Drop Bombs
7- Bring It On
8- Why ? (co-prod. Organized Konfusion)*
9- Let’s Organize (ft. OC/Q-Tip)
10-  3, 2, 1
11- Keep It Koming
12- Stray Bullet
13- Maintain (prod. Rockwilder)

Avec ce deuxième album, Organized Konfusion montre les paradoxes propres au monde du rap. En effet, le groupe est la symbiose parfaite entre Prince Poetry et Pharoahe Monch, MC’s reconnus de leurs pairs grâce à des flows très techniques au sein d’un ensemble cohérent. Malgrè  ces capacités indéniables, le talent du groupe est largement sous-estimé, voire ignoré, et sa reconnaissance reste limitée aux connaisseurs, comme si qualité et succès n’avaient que peu de rapport dans le rap business. L’underground, lui, s’accorde à dire qu’Organized Konfusion présente l’un des duos les plus enthousiasmant du genre, mais il n’est semble-t-il pas assez puissant pour imposer ses choix au plus grand nombre, ni pour faire décoller les ventes d’un disque.
Ce n’est pourtant pas faute de se donner du mal en réalisant eux-mêmes l’habillage musical de la plupart de leurs sorties, notamment sur le premier album datant de 1991 (« Organized Konfusion »), où l’on retrouve leur pote OC en featuring sur « Fudge Pudge » avant que celui-ci ne devienne un des piliers du DITC. La connection avec ce crew ne s’arrête pas là puisque pour « Stress », le duo s’ouvre à d’autres producteurs dont le fameux Buckwild pour trois titres. Le résultat est de fait moins monocorde que sur son prédécesseur qui enchaînait les rythmiques uptempo dans une veine funky.
L’ambiance, annoncée par la pochette, est ici beaucoup plus sombre, et transporte l’auditeur dans des rues crades, où drogues et manipulations télévisuelles entraînent un stress permanent menant droit à l’aliénation mentale. Organized Konfusion se pose alors en super-héros (Prince Po tient sur la pochette le même marteau que le Thor de Marvel) dont les pouvoirs rapologiques peuvent remédier à la situation.

Le concept est musicalement posé dès l’intro construite autour de voix gutturales ou hystériques, de respirations inquiétantes et des pleurnicheries de Monch associées à l’énergie de Prince Po. Cette complémentarité des deux rappeurs aux rôles bien définis se retrouve partout, Monch assurant le spectacle dans un freestyle permanent (domaine où il excelle), rappelant ainsi son passé de beatboxer, tandis que Prince Po ramène un peu de rigueur grâce à des phases plus orthodoxes.
« Stress » assaille alors nos oreilles avec cette basse ronflante, élément constitutif des rythmique de l’album,  renforcée par les cuivres stridents qui parcourent le refrain. Monch y parle de l’industrie qui ne reconnaît pas l’originalité à sa juste valeur (« Pourquoi dis-tu que ce son est bon juste parce qu’il est matraqué à la radio? ») et s’étonne du succès des insipides productions RnB.
Dans « Extinction Agenda », au sein d’un chaos sonore combinant cuivres et claviers désorganisés à une basse jazz et des scratches perçants, les MC’s se prennent pour des prêtres-sorciers venus mettre de l’ordre dans la grande partie d’échecs du rap game où Monch élimine les pièces unes à unes. Il prend ensuite le contrôle avec « Thirteen », montrant toutes les facettes de son art lyrical, accentuant certains mots de sa voix nasillarde, se mettant à chanter, imitant une musique de fête foraine ou prenant ses intonations les plus hardcores et tout ceci sans perdre le beat qu’il étouffe sous la profusion de ses rimes.
Le morceau suivant, « Black Sunday », sorte de gospel urbain, aborde les débuts difficiles du groupe, entre petits boulots et performances live plus ou moins improvisées, qui se débattait avec les doutes de leur entourage et les arnaques des businessmen.
Organized Konfusion passe ensuite la surmultipliée : « Drop Bombs » durcit le beat, soutenu au refrain par tout leur crew. Dans « Bring It On », sur un rythme lourdement ralenti, Monch semble rapper sous l’eau et étale toute sa dextérité vocale, tandis que Prince Po « dévore les MC’s comme des céréales ».

Le groupe prouve ensuite avec « Why? » qu’il n’est pas qu’une machine à ego-trip, puisqu’il s’y montre capable d’introspection, évoquant sur une basse triste ses désillusions sentimentales face à des femmes vénales. Le funk le plus festif, comme un rappel de l’album précédent, fait alors son apparition. « Let’s Organize » voit rivaliser Organized Konfusion avec Q-Tip et OC, tandis que « 3-2-1 » est dédicacé aux pionniers du hip hop et à ceux qui continuent à le faire vivre. Mais le jazz repointe bien vite le bout de son nez à travers le déconstruit « Keep It Koming », perturbé par des cuivres hypnotiques.
L’étrangeté est aussi de mise dans un « Stray Bullet » décrivant le trajet d’un projectile à travers les différentes personnes qu’il transperce, rappelant le drame des balles perdues dans les quartiers où les fusillades sont monnaie courante. Dans cette ambiance noire , seul le sample du « Wind Parade » de Donald Byrd vient apporter une mélodie à une basse ultra-dépouillée et aux bruits de détonations qui émaillent le morceau.
Le disque se termine entre espoir et résignation puisque « Maintain » affirme une volonté absolue de perpétuer une certaine tradition hip hop  et ce malgré le manque de rétribution concrète.

Cet état d’esprit ne changera d’ailleurs pas vraiment dans la suite de la carrière du duo. Pourtant l’album suivant, « Equinox », malgré son concept original, ses sons plus accessibles, la signature sur un label plus important et les nombreux concerts du groupe, ne fera pas beaucoup mieux que « Stress… ».
Le groupe se séparera quelque temps après, lassé de devoir tout gérer seul et voulant se concentrer sur la musique uniquement. Monch signera « Internal Affairs » sur Rawkus Records, obtenant un petit succès grâce au titre « Simon Says » puis se perdra un peu dans des expérimentations gospel. Prince Po quant à lui sortira des albums assez confidentiels sur le label Mush.
On attend depuis quelque temps la reformation du groupe poussé par la communauté hip hop qui voudrait un nouveau classique aussi varié et abouti que « Stress… ». Espérons que la pression populaire portera ses fruits…

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