Originoo Gunn Clappaz – Da Storm [1996]

TRACKLIST : (prod. Da Beatminerz)
1- Intro
2- Calm Before da Storm (prod. Shaleek)
3- No Fear
4- Boom Boom…Prick (skit)
5- Gunn Clapp
6- Emergency Broadcast System (skit)
7- Hurricane Starang
8- Danjer
9- Elements of da Storm (prod. Steele/Supreme)
10- Da Storm
11- Wild Cowboys in Bucktown (ft. Sadat X & Sean Black) (prod. DJ Ogee)
12- God Don’t Like Ugly (prod. Buckshot/Lord Jamar)
13- X-Unknown
14- Elite Fleet (ft. MS/Tha Representativz & Bad Vybes)
15- Flappin’ (prod. E-Swift/Madlib)

Grâce à des albums comme ce « Da Storm », le crew Boot Camp Click, soutenu par le label Duck Down, s’est taillé un statut aussi légendaire que celui du Juice Crew ou des Native Tongues au sein de la communauté hip hop. Brooklyn (ou Bucktown comme ils surnomment leur quartier), tout comme les oreilles des B-Boys du monde entier, résonne encore des exploits rapologiques de ces MC’s aux styles affirmés.
Cette première période du posse, pour qui cet album marque la fin d’un certain âge d’or, est surtout l’avènement d’une équipe de concepteurs sonores, les Beatminerz (Evil Dee, Baby Paul & Mr Walt). Ceux-ci concoctent une recette au son dépouillé dont les basses étouffées enveloppent des beats rugueux et qui influencera toute la deuxième moitié des 90’s, moment du retour de la Côte Est sur la première marche du rap game et de l’émergence de toute une scène indé.

Pourtant pas de réelle révolution musicale ici, les OGC misent sur une certaine constance dans le classicisme hip hop et surtout sur la qualité de leurs techniques vocales et des sons sur lesquels ils posent. Le trio possède en effet des atouts complémentaires, ainsi Starang Wondah représente le côté hardcore du groupe, Top Dog y ajoute cette petite touche ragga chère au Boot Camp Click tandis que Louieville Sluggah enchaîne les phases élastiques pour faire le lien entre ses deux compères. Pas de revendications politiques ou sociales claires dans ce disque mais une certaine tendance à vouloir éradiquer le camp d’en face par tous les moyens, ce qui en dit long sur les clivages entre des gens vivant dans des conditions similaires mais opposés par un système préférant la destruction à l’unité. Malgré ce constat inquiétant, c’est aussi cette rivalité perpétuelle, mise en mots et non pas en actes, qui constitue l’essence du hip hop dans lequel la compétition pacifique prend le pas sur une violence banalisée.

Les OGC perpétuent ainsi une certaine idée du hip hop mais sans l’enthousiasme naïf des pionniers. Les désillusions face à l’industrie musicale et des années de crise sociale et économique ont rendu le rap aussi lugubre que les rues délabrées dans lesquelles il évolue. Les rythmiques deviennent plus dures, les samples se font discrets et entêtants, les infrabasses perturbent nos oreilles, comme pour nous faire ressentir à quel point la paranoïa ambiante peut agir sur le subconscient.
Le titre du disque (« tempête » en français) figure également cette oppression constante de l’auditeur, le disque transcrivant l’ambiance électrique et moite qui précède un orage. Et c’est exactement le propos du premier  morceau, « Calm Before Da Storm », où la basse, à force d’effets, se transforme en une sorte de vrombissement aux méandres hypnotiques. Puis « No Fear » nous offre une rythmique à l’ancienne et une ligne de basse saccadée qu’aucun b-boy ne peut oublier. « Gunn Clapp » détend ensuite l’ambiance pour prouver que la recette des OGC peut aussi s’adapter au dancefloor. L’accalmie est de courte durée puisque arrive le terrible « Hurricane Starang » où le rappeur du même nom, épaulé par la voix gutturale de Rock (un de leurs compères au sein des Fab 5), laisse s’exprimer son flow agressif sur un instru devenu fameux, notamment par son utilisation comme base de nombreux freestyles. Ce phénomène, qui montre l’influence de ce disque, est d’ailleurs encore à l’oeuvre pour « Da Storm », dont l’instru est composé d’une cloche doublant les montées du beat.
Les featurings sont quant à eux peu nombreux et pas forcément sortis de l’entourage du groupe, pas étonnant donc que l’on sente une baisse de régime dans « Wild Cowboys In Bucktown » lorsque Sadat X (échappé des Brand Nubian) pose son timbre nasillard et dynamique sur un son hésitant entre noirceur et légèreté, montrant la difficulté de s’adapter au style caractéristique de chacun. La connexion entre les deux crews continue pourtant avec « God Don’t Like Ugly » produit par Buckshot (vétéran du Boot Camp avec Black Moon) et Lord Jamar (beatmaker chez les Brand Nubian) dans un dénuement musical totalement en phase avec l’esprit du disque.
Le feu d’artifice jette alors ses derniers feux avec un bouquet final digne de l’enchaînement de classiques du début de l’album. « Elite Fleet » permet aux jeunes loups du crew d’aiguiser leurs crocs et fait la part belle, et pour la seule fois du disque, au piano mélancolique cher au rap new-yorkais de l’époque. Sans le traditionnel bataillon de violons, ce piano auquel les Beatminerz appliquent le même traitement qu’aux basses boursouflées des précédents morceaux, est travaillé comme un élément rythmique et non simplement mélodique.
Pour finir le trio nous offre une surprise de taille puisque deux des meilleurs producteurs de la Côte Ouest, tous deux affiliés au Likwit Crew, nous livrent un morceau (« Flappin ») à la fois lourd et possédant cette indéfinissable vibe ensoleillée typiquement californienne. E-Swift et Madlib semblent avoir cloisonné le titre, offrant une basse dynamique et un beat soutenu aux rappeurs tandis que le refrain est constitué d’un clavier aux harmoniques légères proches de l’univers que Madlib développera avec Lootpack. Dans ce titre, plusieurs pans du rap indé se rejoignent à travers l’union du savoir-faire de deux des crews les plus influents de ce milieu des 90’s.

Par la suite les OGC, toujours fidèles au Boot Camp, apparaîtront sur les compils du label, (un inégal « For The people » en 97) et sortiront leur deuxième album en 98. Celui-ci (« The M-Pire Shrikez Back »), bien qu’il soit l’un des meilleurs dans la deuxième vague de sorties du crew et que les flows y soient toujours aussi aiguisés, a pu dérouter les fans par sa rentrée dans le rang des adeptes des arrangements violon-piano. Le trio n’y est alors plus porté par les prods impeccables des Beatminerz qui ont fait de « Da Storm » un moment unique dans la carrière du groupe…

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