Killarmy – Silent Weapons for Quiet Wars [1997]

TRACKLIST : (produit par 4th Disciple, * produit par RZA)

1- Dress to kill
2- Clash of the Titans (ft. Streetlife)
3- Burning season
4- Blood for blood
5- Seems it never fails
6- Universal soldiers
7- Love, Hell or right
8- Wake up (ft. Hell Razah & Prodigal Sunn)*
9- Fair, love & war
10- Wu-renegades
11- Full Moon
12- Under siege
13- Shelter
14- Camouflage ninjas
15- Swinging swords
16- War face*
17- 5 stars (ft. Masta Killa)

 

Dans le sillage de la comète Wu-Tang, une multitude de groupes se revendique alors, avec plus ou moins d’à-propos et de soutien de la maison mère, de cet «empire» mis en place après le succès des deux premiers albums du groupe. Des artistes comme Cappadonna (intégré ensuite au Wu-Tang originel), Killah Priest ou Sunz of Man sortirent des projets où le logo du crew figurait en bonne place mais dans lesquels la qualité musicale n’égalait en rien ce que pouvait produire la bande à RZA. Et c’est bien l’absence du maître à penser de la nébuleuse Wu-Tang, et de son savoir-faire de beatmaker, qui semblait faire défaut à ces disciples. Pourtant un groupe fut en mesure d’atteindre, tout du moins le temps d’un album, le niveau d’excellence de ses illustres aînés.
Killarmy, se présente en effet comme la «relève» du Wu-Tang qui, en cette année 1997, commençait à décevoir certains fans avec des productions médiocres bien loin des classiques réalisés en seulement quelques années par RZA. Cette «copie» rajeunie et pas encore blasée par une réussite financière qui rend souvent les flows moins tranchants, dont l’effectif pléthorique rappelle la horde Wu-Tang, est elle aussi produite par un seul homme, 4th Disciple, rendant ainsi cohérent un ensemble qui sans lui aurait pu être hors de contrôle.
Comme leurs prédécesseurs, les Killarmy misent sur une recette assez simple, mais 4th Disciple y fait preuve d’un peu plus de sophistication que son mentor. Avec des prods souvent concoctées à partir de samples rappelant la Soul des 70’s (à grands renforts de violons mélancoliques et de voix déchirantes), la rugosité du crew se retrouve plutôt dans les performances des 6 MC’s (Shogun Assassin, Killa Sin, Dom Pachino, Beretta9, 9th Prince, frère de RZA, et Islord, peu présent sur l’album pour cause d’incarcération), créant ainsi le même décalage entre musicalité et rimes acérées que sur le premier opus des Shaolin masters. L’ensemble de l’album semble de ce fait comme une continuité des titres les plus amers du Wu-Tang («Can It Be All So Simple» et «CREAM» en tête).

Mais Killarmy développe des textes bien plus réfléchis que le freestyle décousu pratiqué parfois par ses collègues et surtout très éloignés de l’ambiance kung-fu kitsch qu’ils affectionnent. Les propos se veulent ici plus sérieux et l’album tourne tout entier autour de thématiques guerrières appliquées aussi bien à des récits fictifs éprouvants qu’à des histoires sordides qui paraissent bien réelles aux habitants des ghettos US. Ces situations sociales difficiles obligeraient alors à se comporter dans la vie comme un soldat combattant, avec des techniques plus ou moins légales, pour sa survie.
Il ne faut pourtant pas s’arrêter à une vision simpliste de ce disque, qui ne serait qu’un énième exemple de rap de rue, puisqu’il montre un recul mesuré sur les rimes qu’il propose notamment à travers son titre. Celui-ci fait en effet référence à un concept très en vogue chez certains acteurs de la communauté noire américaine (les adeptes de la 5% Nation par exemple) qui prétend que la guerre (des classes ou des races, on ne sait pas bien) se déroule aussi bien sur le terrain, par les armes, que dans les esprits, par la manipulation médiatique voulue par des puissances occultes au pouvoir de nuisance (fantasmé ou non), économique notamment, étendu au globe tout entier et visant les minorités opprimées.

La théorie du complot et les récits d’une vie qui ne fait pas de cadeaux comme bases principales du rap de Killarmy expliquent sans doute l’ambiance oppressante du disque. Il s’en dégage une urgence autant dans les flows que dans les prods qui donne tout son charme au disque comme elle rend compte d’une certaine façon de faire du rap, alliant spontanéité et attention portée aux arrangements sans tomber dans une luxuriance sonore qui pourrait masquer la sincérité des protagonistes.
Ainsi les beats proposés par 4th Disciple font le plus souvent dans la discrétion («Clash of the Titans», «Universal soldiers», «Shelter»), afin de laisser les MC’s s’exprimer à plein, mais s’envolent vers les sommets lorsque la Soul s’invite pour sublimer cette urbanité exacerbée (à l’image du classique «Wake up», petit succès underground de l’époque et seul titre produit par RZA), que ce soit à travers des cordes hypnotiques («« Dress to kill », «Wu renegades», «Camouflage ninjas», «5 stars») ou des voix lancinantes («Full Moon», «Swinging swords»). Le point commun à tous les titres reste un goût prononcé pour les rythmiques en béton armé, pendant parfait à la précision froide des flows, qui ravira les amateurs de sobriété.

La suite de la carrière du groupe soulèvera bien moins d’enthousiasme chez les B-boys car après deux autres albums corrects quoique bien moins inspirés, les membres du groupe se retrouvent périodiquement autour des projets solos de chacun (ceux de 9th Prince ou Beretta 9 notamment) mais semblent trop dispersés pour réitérer la performance de ce «Silent weapons…» où ils avaient exprimé la quintessence d’un rap new-yorkais à la fois plein d’une énergie dévorante et de cette finesse musicale qui font d’un disque un classique, indémodable et inspirant.

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