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Artifacts – Between A Rock & A Hard Place [1994]

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TRACKLIST : (prod. T-Ray, *prod. Buckwild)
1- Drama (Mortal Kombat Fatality intro) (prod. Drew/Dr. Butcher)
2- C’mon Wit Da Git Down*
3- Wrong Side Of Da Tracks
4- Heavy Ammunition
5- Attack Of New Jerusalem (ft. Jay Burns Jaya)*
6- Notty Headed Nigguhz
7- Whayback
8- Flexi Wit Da Tech(nique)
9- Cummin’ Thru Ya Fukin’ Block  (ft. Redman) (prod. Redman/Rockwilder)
10- Lower Da Boom
11- What Goes On ?*
12- Dynamite Soul
13- Whassup Now Muthafucka ?

Dans la première moitié des années 90, chaque semaine apportait une nouvelle pépite aux auditeurs, concoctée par les meilleurs producteurs du moment, dans laquelle les rappeurs cherchaient à s’imposer par leur musique plus que par le poids de leurs joaillerie. Bien représenter son quartier, son posse et une certaine idée du Hip Hop primait sur les impératifs commerciaux.

Dans ce « Between A Rock & A Hard Place », Tame One et El Da Sensei réunissent tous les ingrédients témoignant de cette période bénie. Le background Hip Hop irréprochable du duo, fait d’une jeunesse passée au sein du mouvement Graffiti (cf. leur logo « tagué » ou les photos de bombes de peintures rongées par la rouille illustrant le disque), de leur pratique du breakdance et de la présence live d’un DJ (Dr. Butcher ou DJ Rockraider, membre des X-Ecutioners), assurent au duo le soutien d’un label indépendant dont le directeur artistique n’est autre que Stretch Armstrong, DJ et animateur radio new-yorkais reconnu, qui les signa après un passage dans son émission. En outre, l’appui de Redman, cousin de Tame One, et de tout leur quartier de Newark (New Jersey), dans lequel ils sont déjà connus en tant que graffeurs, finit d’asseoir leur street credibility.
Avec ces artistes en prise directe avec chaque aspect du Hip Hop, pas étonnant que cet album respire les bas-fonds et l’authenticité ! Le groupe ne cherche pas ici le tube grand public mais plutôt une certaine cohérence. Dans cette optique, les Artifacts ont choisi de ne pas multiplier les invités ou les producteurs, à la différence d’autres projets où l’épaisseur d’un carnet d’adresses semble être considérée comme gage de qualité.

L’intro scratchée nous plonge d’entrée dans une ambiance oppressante avec son beat lourd parsemé de violons inquiétants et pose les fondations du son Artifacts : une basse omniprésente, des beats qui frappent fort et, utilisés à l’économie, des samples instrumentaux étouffés, comme sortis d’un tunnel de métro en pleine session Graffiti.
« Wrong Side of Da Tracks », petit succès underground de l’époque et probablement le meilleur titre de l’album reprend tous ces éléments à son compte avec un son rappelant les premières productions des Beatminerz pour le Boot Camp Click. Pesant et dépouillé, l’instru tourne autour de samples discrets de cuivres, de claviers et de guitares, agencés avec soin. Les MC’s y évoquent leur statut de graffeurs : mis au ban de la société à cause de leur art tout comme ils sont du mauvais côté de la rame de métro dont ils peignent l’extérieur (cf. le bruit caractéristique des bombes de peinture que l’on secoue, présent en fond sonore).

La même recette est alors déclinée sur la plupart des titres de l’album : « Heavy Ammunition » avec des scratches vocaux d’Erick Sermon (EPMD) et Pete Rock, « Attack of New Jerusalem », ode à leur quartier ainsi rebaptisé car il produirait un Hip Hop fidèle à l’esprit originel, ajoute une touche ragga à la panoplie du duo en invitant l’illustre inconnu Jay Burns Jaya, « Whayback » qui raconte les premiers émois Hip Hop du duo (les Kangol, Marley Marl, les blocks parties…) ou quand « Lower Da Boom » fait allégeance à la fée cannabis en nous emmenant dans un monde étrange et embrumé.
À l’image de ce dernier titre, le reste de l’album adopte un son plus relax : le lancinant « C’mon wit da git down », « Flexi With Da Tech(nique) » où le flow des deux MC’s fait merveille, « Cummin’ thru ya fuckin’ block » et son refrain entonné par Redman ou encore sur le très classique « Dynamite soul ».
En toute fin de disque « Whassup Now Muthafuka ? » reprend les ingrédients de la menaçante introduction mais en efface la basse, accentuant ainsi la pesanteur du beat en le dépouillant de ses atours harmoniques. Les Artifacts affirment ici leur assurance et l’affirme avec véhémence avant de se retirer dans l’underground.

Malgré certains titres moins mémorables ou un peu datés, la complémentarité entre le style freestyle de Tame One et un El Da Sensei, plus rigoureux dans ses phases, rend inaltérables des beats confectionnés par des artisans du genre : T-Ray, connu pour son travail avec MC Serch ou les Soul Assassins, et Buckwild du DITC. Cet album perpétue ainsi une façon de faire du rap pour ceux qui l’aiment sans compromission, l’enchaînement des titres 3, 4 et 5 en étant une parfaite illustration.

Le même credo présidera à l’élaboration du deuxième album du groupe. Sorti en 1997, « That’s Them », projet tout aussi ancré dans son temps et produit par Shawn J Period ou les Beatminerz, sera la dernière sortie des Artifacts, chacun des rappeurs creusant ensuite son propre chemin. Tame One poursuivra une carrière assez inégale avec quelques fulgurances, notamment en compagnie du producteur Parallel Thought, jusqu’ à son décès en 2022. El Da Sensei quant à lui conserve ce style orthodoxe lui permettant des collaborations avec de nombreux producteurs, américains comme européens.

À ÉCOUTER AUSSI : LORDS OF THE UNDERGROUND – Here come the Lords [1993]/DA YOUNGSTA’S – The aftermath [1994]/CHANNEL LIVE – Station identification [1995]

El Da Sensei – Mic Professionals [2017]


El Da Sensei – Mic Professionals [2017]…issu du duo Artifacts (éminent représentant du boom bap du New Jersey pendant les 90’s), El Da Sensei est certainement celui qui a su le mieux garder le cap en solo (son compère Tame One, malgré quelques sorties réussies, s’étant un peu perdu dans des projets médiocres)…pour preuve, cet album confectionné en partenariat avec le beatmaker belge Chillow, propose un boom bap sans concession reprenant les codes du genre (claviers étouffés à la Pete Rock, instrumentations économes, basses profondes et rythmiques martiales) magnifié par les scratches du toujours excellent DJ Grazzhoppa…dans un ensemble assez équilibré, entre arrangements lugubres ou plus solaires et sautillants, réalisé avec une certaine finesse et un savoir-faire indéniable, le flow sans fioritures de notre old timer fait merveille pour un album qui s’écoute sans lassitude…

Jazzy Hip Hop Mix 1

Jazzy Hip Hop mix : Comme son nom l’indique ce mix de 10 titres, principalement composés dans les années 90, fait la part belle aux arrangements jazzy…ainsi, les artistes choisis, tous issus de la côte est des USA, adoptent un ton langoureux à base de claviers délicats, contrebasses profondes et cuivres entêtants qui raviront les amateurs exigeants de mélodies finement ouvragées…

  1. Scientifik – Lawtown (prod. Edo. G) [1994]
  2. J. Rawls – Superhero (ft. Mass Influence) (prod. J. Rawls) [2001]
  3. Royal Flush – Makin’ moves (ft. Mic Geronimo) (prod. Buckwild) [1997]
  4. Sadat X – Sauce For Birdheads (prod. DJ Ogee) [1996]
  5. Black Thought – Respiration (ft. Talib Kweli & Mos Def) (prod. Pete Rock) [2001]
  6. Redman – Tonight’s da night (prod. Erick Sermon) [1992]
  7. Jeru The Damaja – Tha Frustrated Nigga (prod. DJ Premier) [1996]
  8. Edo. G & Da Bulldogs –  I’m laughin (prod. Rythm Nigga Joe) [1993]
  9. DITC – Day one (prod. Diamond D) [2000]
  10. King Geedorah – Next levels (ft. Lil’ Sci/ID 4 Winds & Stahhr) (prod. MF Doom) [2000]

 

 

Purpose & Confidence – Unstoppable [2012]


Purpose & Confidence – Unstoppable [2012]…producteur attitré de son groupe Tragic Allies (déjà évoqué ici), Purpose laisse les manettes de l’album « Purpose of Confidence » au beatmaker Confidence pour se concentrer sur son rôle de rappeur…dans un style boom bap des plus classiques, rappelant les derniers albums de Gangstarr, mêlant beats énergiques, samples bien sentis de cuivres et de violons, l’harmonie entre MC et compositeur fonctionne ici à merveille…ce disque, partagé entre mélancolie et dynamisme et conçu pour faire bouger les têtes des b-boys les plus exigeants, ravira les amateurs de titres sans prétention et finement ouvragés…

Lord Lhus – Gravediggin [2015]


Lord Lhus – Gravediggin [2015]…ayant quitté à la fois son groupe Bloodline et sa Caroline du Sud natale, ce MC voyage à travers l’Europe au gré de ses collaborations avec les beatmakers les plus en vue du vieux continent…ainsi après avoir travaillé avec les allemands de Snowgoons et le français Al’ Tarba, Lord Lhus semble avoir choisi les Pays-Bas et les pays de l’Est (et à nouveau la France avec le collectif Le Gouffre) comme terrains d’expression pour son style brutal…le savoir-faire de ces scènes locales en matière d’horrorcore n’est plus à démontrer mais dans cet album (« Lord Hates Pretty ») les arrangements violon/piano souvent bien trop convenus et froids laissent place à des instrumentations plus discrètes…le MC au flow colérique s’y laisse alors aller à des réflexions politiques et des délires sanguinolents (à l’image de cette vidéo pleine d’hémoglobine à déconseiller aux âmes sensibles) tout à fait explicites, pour un résultat d’excellente facture…

The Goats – Tricks of the Shade [1993]

TRACKLIST : ( produit par Joe « The Butcher » Nicolo & Oatie Kato)

1 – We got freaks (intro)
2 – Typical American
3 – Hangerhead is born (skit)
4 – Watcha got is watcha gettin’
5 – Columbus boat ride (skit)
6 – R U down wit da goats
7 – Cumin’ in your ear
8 – Noriega’s coke stand (skit)
9 – Got kinda hi
10 – Unodostresquattro
11 – Georgie Bush kids (skit)
12 – Wrong pot 2 piss in
13 – Hip-hopola
14 – Leonard Peltier in a cage (skit)
15 – Do the digs dug?
16 – Carnival cops (skit)
17 – TV cops
18 – Tatooed lady (skit)
19 – Tricks of the shade
20 – Not not bad
21 – Rovie Wade, the sword swallower (skit)
22 – Aaah d yaaa
23 – Drive-by bumper cars (skit)
24 – Burn the flag
25 – Uncle Scam’s shooting gallery (skit)

Il fut un temps où le rap intelligent n’était pas ennuyeux à force de didactisme lénifiant. Les groupes politisés du début des 90’s ne se prenaient pas encore pour des prophètes et leur ambition n’était pas de devenir les nouveaux Isaac Hayes, comme dans ce rap qui fleurira à l’orée du 21e siècle. Ils savaient user de légèreté et d’humour afin de mieux faire passer leur message et ne pas lasser un auditoire à la capacité d’attention parfois limitée. The Goats fait partie de cette catégorie aujourd’hui presque disparue mais n’a pas eu la reconnaissance que son premier album aurait méritée. Car, tandis que de nos jours être un rappeur «conscient» se limite souvent à n’être pas aussi matérialiste que le rap mainstream, les Goats ont réalisé avec ce Tricks of the Shade un des disques les plus aboutis du hip hop US. Continuer la lecture de The Goats – Tricks of the Shade [1993]

7 GEMS – Time To Ponder [2013]


7 GEMS – Time To Ponder [2013]…la région de Boston d’où sont issus les membres du groupe Tragic Allies (Purpose, Estee Nack et Code Nine) peut être considérée comme l’un des bastions du classicisme rap où les beats (ici tous produits par Purpose) se construisent plus à partir de rythmiques sèches que d’innovations stylistiques…ainsi après plusieurs albums remarqués des puristes, le trio fait alliance avec l’un des tenants du plus pur style new-yorkais, le old timer Tragedy Khadafi, pour nous servir un disque (« Golden Era Music Science », dont le nom du groupe est l’acronyme) où rugosité et finesse s’équilibrent parfaitement…

Automatik Greatness – Cornbread [2014]


Automation Greatness – Cornbread [2014]…affilié à la grande famille Wu-Tang via Hell Razah et son label, cet étudiant d’Harvard s’entoure d’un autre membre du défunt groupe Sunz Of Man, le producteur Su-Preme…pour la première fois depuis des années , ce dernier réalise la totalité des instrus de l’album « Rapoliticz » dans un style fidèle aux habitudes de Shaolin : instrumentations partagées entre soul 70’s et ambiances glaciales aux sonorités dissonantes…le discours du MC, très critique sur la société américaine, se marie ainsi parfaitement à des arrangements volontairement classiques pour ne pas distraire l’auditeur du contenu lyrical mais suffisamment subtils pour ne pas l’ennuyer…

http://automatikgreatness.bandcamp.com/album/rapoliticz

Edo. G – 2 Turntables & A Mic [2014]

Edo. G – 2 Turntables & A Mic [2014]…avec l’album « After All These Years », le vétéran Edo. G étoffe encore une discographie quasi-irréprochable entamée en 1991…il y propose un boom bap feutré qu’il maîtrise à merveille de son flow lascif et précis…la judicieuse collaboration du bostonien avec le respecté beatmaker Pete Rock, déjà à l’œuvre sur plusieurs de ses projets, se poursuit ici, notamment avec ce morceau tout en finesse très représentatif du style du producteur où les bases du rap sont mises à l’honneur (la connexion entre MC et DJ/producteur) mais qui n’oublie pas pour autant la partie graphique du hip hop en rythmant le titre de ce bruit de billes en aérosol si caractéristique que les connaisseurs apprécieront…

http://www.ed-og.com

Bahamadia – Kollage [1996]

TRACKLIST : (prod. DJ Premier & Guru, *prod. Da Beatminerz)
1- Intro
2- WordPlay
3- Spontaneity*
4- Rugged Ruff
5- Interlude
6- I Confess (prod. NO Joe)
7- UKNOWHOWWEDU (prod. Ski)
8- Interlude*
9- Total Wreck
10- Innovation*
11- Da Jawn (prod. The Roots)
12- Interlude*
13- True Honey Buns
14- 3 Tha Hard Way
15- Biggest Part Of Me (prod. NO Joe)

Dans le monde éminemment machiste du hip hop, il fallait des qualités rapologiques remarquables et reconnues pour être bien entourée, musicalement parlant. De même, réaliser un classique du genre dès son premier opus n’est pas donné à tout le monde et la native de Philadelphie semble gérer cette situation avec une nonchalance lucide.
Jusque-là, la présence de femmes dans les différentes écuries hip hop n’était bien souvent acceptée que pour toucher un public plus large et ne mettait que rarement en lumière les éventuels talents rapologiques des protagonistes. Pourtant, petit à petit, certaines sortent leur épingle du jeu à l’image de Queen Latifah qui construisit solidement son crew (Flavor Unit) grâce à sa forte personnalité et le conduisit vers le succès. Mais cet exemple de réussite reste assez rare et met en lumière la difficulté pour la gent féminine de se faire accepter par une communauté hip hop friande de filles écervelées et peu farouches. L’intelligence déployée par celles qui écrivent des rimes n’étant pas toujours du goût de certains mâles aux réactions néandertaliennes, le cercle des femmes MC’s reste toujours aussi exigu de nos jours.
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