Excellente surprise que cette nouvelle livraison du désormais duo venu du Queens (contrairement à ce que l’artwork du disque laisse croire, seuls Fredro Starr et Sticky Fingaz participent à l’aventure). Entièrement produit par le beatmaker ukrainien Stasevich, qui pour sa première production d’envergure réalise un coup de maître, l’album porte bien son nom (1993) puisque l’ambiance générale de l’ensemble nous ramène tout droit vers les recettes qui ont fait le succès du groupe au début des années 90 (chronique à lireICI).
Les deux MC’s pratiquent toujours un rap poisseux fait de basses énormes, d’habillages sonores dépouillés, de rythmiques rentre-dedans portant leurs flows belliqueux. L’envie d’en découdre des deux old timers semble intacte et fait plaisir à entendre. Chaque morceau allant à l’essentiel et ne s’encombrant pas d’invités, on en regretterait presque qu’ils ne soient pas un peu plus longs tant l’impression de revenir à un certain âge d’or devrait caresser dans le bon sens les oreilles de l’amateur averti. Sentiment encore renforcé par les nombreux samples à la saveur vintage qui parcourent chaque track. Après un Onyx 4 Life qui avait ravivé la flamme en 2021, cet assemblage de 13 titres brûlants est une vraie réussite !
Top Notch – Ghetto Life [2019]…depuis quelques années la Bankaï Fam et le label Shinigamie Records abreuvent l’underground rap de leurs prods sans concession et cet album de Top Notch (Ghetto Life) ne déroge pas à la règle. Fervent représentant de Brooklyn, le MC/toaster reprend à son compte les influences jamaïcaines qui baignent ce quartier de New York pour nous livrer un disque qui combine des beats rap assez classiques avec un flow ragga éraillé du plus bel effet. Produit intégralement par le duo de choc Ninjustice (les français Kyo Itachi et Venom, ce dernier officiant également aux scratches), le disque se révèle vite addictif pour ceux qui apprécient les beats martiaux mais pas seulement, puisque le duo de beatmakers s’est fendu de productions variées rendant toute justice à la versatilité de Top Notch.
Hit Squad videos : le duo EPMD (Erick Sermon & Parrish Smith Making Dollars), éminent représentant du rap de Long Island, est l’un des grands artisans du renouveau rap à la fin des années 80. En effet, l’influence de leurs deux premiers albums est énorme grâce à ce son si particulier, fait d’un funk gras et décharné construit autour de nombreux samples rappelant ainsi le travail du Bomb Squad avec Public Enemy et portant des flows monolithiques proches de ce que Rakim popularise quelques temps auparavant.
A partir de 1990, l’entreprise tend à se développer et le groupe introduit de nouveaux MC’s dans ses projets, à commencer par le tout jeune Redman, présent sur deux titres de « Business as Usual » [90], mais produit aussi le rappeur K-Solo, dont le flow tout en agressivité fait merveille aussi bien dans l’ego-trip que dans les propos plus conscients.
Petit à petit le crew s’étoffe avec l’arrivée du groupe Das Efx, découvert dans un concours étudiant pour apprentis rappeurs, qui dynamite le rap de l’époque avec leurs raps sautillants et leurs productions funky (les seules du crew à ne pas être assurées par EPMD mais par Solid Scheme).
En 1993, suite à des différends financiers, la séparation temporaire d’EPMD disloque le posse. Ainsi Das Efx et, dans une moindre mesure K-Solo, suivent Parrish Smith tandis que Sermon embarque Redman, bientôt rejoint par l’instable Keith Murray, pour former le Def Squad.
Chacun multiplie alors les projets solos (avec un succès tout relatif pour Parrish) et les productions pour d’autres rappeurs, avant qu’une reformation ne voie le jour en 1997 avec le très honorable « Back in Business » qui montre que le Hit Squad aurait pu être encore plus influent si ses mentors avaient réussi à mettre de côté leur obsession pour le business (surtout celle de Parrish semblerait-il).
La mayonnaise ne prendra pas une deuxième fois et le posse tombe dans l’oubli. Das Efx, après un excellent premier album, perd peu à peu ce qui faisait son originalité pour pratiquer un rap moins original. K-Solo, malgré des qualités rapologiques évidentes, ne fait plus que de rares apparitions sur les albums de Redman et Parrish (PMD), distrait par des ennuis judiciaires et des embrouilles avec le reste du crew, Keith Murray notamment. Celui-ci sera d’ailleurs régulièrement au centre de conflits avec le reste de ses camarades et plombera totalement sa carrière suite à des séjours pénitentiaires répétés. Erick Sermon gardera son aura de producteur surdoué jusqu’à la fin des années 90, avant de lui aussi décliner, pour proposer des beats souvent fatigués, bien loin des standards d’exigence de ses précédentes productions.
Malgré sa fin peu glorieuse, il ne faut pas oublier que pendant une dizaine d’années le Hit Squad aura offert au public des albums d’une qualité au-dessus du lot qui paraissent toujours aussi frais aujourd’hui, et auxquels cette playlist de videos (la plus exhaustive possible) produites entre 1988 et 1997, tente de rendre hommage…
ALBUMS A ECOUTER : EPMD – Strictly Business [88], Business Never Personnal [92]/DAS EFX – Dead Serious [92]/REDMAN – Whut? Thee Album [92]/KEITH MURRAY – Enigma [96]
Winter Rap Mix : quel moment plus opportun que le cœur de l’hiver pour se plonger dans le glacial rap new-yorkais de la deuxième moitié des 90’s? C’est suite à cette interrogation des plus pertinentes que cette sélection de 10 titres a été concoctée, avec le souci de rassembler des MC’s aux qualités vocales indéniables sur des instrumentaux évoquant les rues pluvieuses de la Grosse Pomme (surtout du Queens, quartier sur-représenté dans ce mix). Ainsi, Prodigy, Nas, Raekwon, Big L, Kool G Rap, Pharoahe Monch, Onyx ou Sean Price posent leurs couplets 24 carats sur des harmonies de pianos décharnés et de violons lugubres, faisant de cette période de grand froid un prétexte tout trouvé pour écouter du bon son…
TRACKLIST :
1 – Mobb Deep – Eye for an eye (ft. Nas & Raekwon) (prod. Mobb Deep) [1995]
2 – Big L – Lifestylez ov da poor & dangerous (prod. Lord Finesse) [1995]
3 – Kool G Rap – 4, 5, 6 (prod. Dr Butcher) [1995]
4 – GP Wu – Black on black crime (prod. RNS) [1997]
5 – Pharoahe Monch – Behind closed doors (prod. Pharoahe Monch) [1999]
6 – Arsonists – Shit ain’t sweet (prod. Freestyle) [1999]
7 – Capone-N-Noreaga – Stick you (ft. Tragedy) (prod. Naughty Shorts) [1997]
8 – Killarmy – Full Moon (prod. 4th Disciple) [1997]
9 – Onyx – All we got iz us (evil streets) (ft. PI) (prod. Fredro Starr) [1996]
10 – Heltah Skeltah – The square (Triple R) (ft. Representativz) (prod. Supreme) [1996]
Jazzy Hip Hop mix : Comme son nom l’indique ce mix de 10 titres, principalement composés dans les années 90, fait la part belle aux arrangements jazzy…ainsi, les artistes choisis, tous issus de la côte est des USA, adoptent un ton langoureux à base de claviers délicats, contrebasses profondes et cuivres entêtants qui raviront les amateurs exigeants de mélodies finement ouvragées…
Scientifik – Lawtown (prod. Edo. G) [1994]
J. Rawls – Superhero (ft. Mass Influence) (prod. J. Rawls) [2001]
Royal Flush – Makin’ moves (ft. Mic Geronimo) (prod. Buckwild) [1997]
Sadat X – Sauce For Birdheads (prod. DJ Ogee) [1996]
Black Thought – Respiration (ft. Talib Kweli & Mos Def) (prod. Pete Rock) [2001]
Redman – Tonight’s da night (prod. Erick Sermon) [1992]
Jeru The Damaja – Tha Frustrated Nigga (prod. DJ Premier) [1996]
Edo. G & Da Bulldogs – I’m laughin (prod. Rythm Nigga Joe) [1993]
DITC – Day one (prod. Diamond D) [2000]
King Geedorah – Next levels (ft. Lil’ Sci/ID 4 Winds & Stahhr) (prod. MF Doom) [2000]
Ruste Juxx – Universal Sean [2016]…deuxième projet collaboratif entre le MC de Brooklyn et l’excellent beatmaker français Kyo Itachi, l’album « Meteorite » propose une douzaine de morceaux où l’influence du rap des 90’s se fait fortement sentir…après un premier essai un brin monolithique (« Hardbodie Hip Hop » sorti en 2012), ce disque semble compiler toutes les tendances de cette époque pour en proposer une interprétation contemporaine…ainsi les titres oscillent entre des productions austères à la DJ Premier (« Water on Mars » avec sa mélodie rappelant les samples de Bob James utilisés par Primo ou ce « Cosmic Dust » et son carillon entêtant) et des compostions plus fouillées proches d’un certain rap indé du milieu des 90’s (« Constellation », « Astronaut »)…pour compléter cet ensemble aux rythmiques qui claquent, Kyo Itachi offre au flow acéré de son compère des prods plus classiques et mélancoliques comme dans ce titre hommage au regretté Sean Price, une des figures emblématiques du Brooklyn Hip Hop…encore un coup de maître pour Kyo Itachi et son label Shinigamie Records!
Children Of The Night – ILYAS [2012]…dans l’album « Queens…Revisited » le trio composé des MC’s Remy Banks, Nasty Nigel et Lansky Jones rend hommage à ce quartier new-yorkais qui a donné au hip hop certaines de ses oeuvres les plus appréciées, tout en se plaçant à la pointe de ce qui se fait de mieux ces dernières années dans la capitale US…à l’image de Joey Bada$$ et son crew, le disque propose des rythmiques appuyées très 90’s accompagnées d’arrangements planants rappelant le travail d’un J-Dilla…pourtant pas de compositions frisant l’ennui ici puisque le groupe est également influencé par les productions plus échevelées des Flatbush Zombies (d’ailleurs présents en featuring sur l’album, de même que Roc Marciano)…ainsi dans le morceau présenté ici (produit par SKYWLKR, l’un des beatmakers de Danny Brown), c’est l’ambiance poisseuse des dancefloors de la Grosse Pomme qu’ils tentent de transcrire avec ce son hypnotique des plus modernes et cette vidéo partagée entre brumes alcoolisées et délires de fêtards…
Del & Tame One – Flashback [2009]…au premier abord la combinaison entre Del, issu de la créative scène d’Oakland, Californie, et Tame One, ardent défenseur d’un hip hop rigoureux et adepte assidu de graffiti dans les ruelles crasseuses de son New Jersey natal, pouvait sembler improbable…en y regardant de plus près, ils partagent pourtant des parcours similaires (« Parallel Uni-verses » affirme le titre du disque) puisque leurs débuts (respectivement avec le collectif Hieroglyphics et le groupe Artifacts) sont marqués par leurs illustres cousins, Ice Cube pour l’un et Redman pour l’autre…cette parenté leur a certes ouvert quelques portes au début des 90’s mais devint rapidement encombrante, car trop souvent soulignée par les médias, pour des artistes qui chercheront ensuite à s’en détacher quitte à s’enfermer parfois dans des expérimentations peu convaincantes…cette relative intransigeance, et malgré des sorties plutôt inégales, leur garantit toutefois une cote importante auprès de cette frange de la communauté hip hop attentive aux démarches sincères…après des années à se croiser dans les différents événements hip hop à travers le monde (à l’image de cette vidéo tournée dans un festival à Brooklyn), les deux MC’s décident de travailler sur un album commun et en confient la conception sonore au beatmaker Parallel Thought…celui-ci leur concocte des instrus à la mesure des ces deux amateurs de rimes à la fois surréalistes et lucides en empilant violons soul (« Keep It Up », « We Taking Over »), guitares hypnotiques (« The Franchise », « Specifics »), sonorités proches du trip hop anglais (« Gaining Ground ») ou arrangements à base de samples funk jazz plus traditionnels (« Teddy », « Special ») et de basses rondes (« Before This » ou ce « Flashback » à la rythmique old school)…dans un album concis à l’ambiance désenchantée (face à un hip hop perverti par la recherche constante du succès) rappelant les productions Def Jux, symbolisée par l’excellent « Life Sucks » et son clavier lancinant, les beats proposent une certaine emphase agencée avec suffisamment de finesse pour ne pas paraître pompeuse…ce travail de production particulièrement réussi permet à l’alchimie entre les deux MC’s d’opérer de façon magistrale et fait de ce « Parallel Uni-Verses » un album qui pourrait aisément être rangé dans la catégorie des classiques de la musique rap…
Lil’ Fame & Termanology – Hustler’s Ringtone (ft. Bun B) [2012]…Lil’ Fame, éminent représentant de Brooklyn, NYC, s’échappe, le temps d’un album, de son groupe MOP et élargit son horizon musical…il se retrouve ainsi à partager le micro avec Termanology, MC au flow plus posé que son habituel compère Billy Danze (que l’on retrouve quand même sur un morceau) et ici avec le gangster texan Bun B (du groupe UGK)…en grande partie produit par ses soins (sous le pseudonyme de Fizzy Womack), l’album « Fizzyology » prend une teinte plus fine et moins braillarde que ses précédents opus en duo, probablement influencé par la présence aux manettes de Statik Selektah, Alchemist ou le partenaire de longue date, DJ Premier…autant de beau monde prouve que l’on a affaire à un old timer toujours à la pointe comme le démontre ce beat heurté aux intonations soul, marque de fabrique d’un certain classicisme hip hop remis au goût du jour…
OLD TIMERS RAP VIDEOS…
Parce qu’il est parfois difficile de trouver les videos officielles de nos groupes favoris (surtout quand ils officient depuis longtemps) dans la jungle des internets, voici une compilation de TOUS les clips (comme on disait jadis), ou presque, réalisés par certains des groupes les plus reconnus de la communauté hip hop…
Et pour démarrer cette nouvelle série de posts, honneur aux aînés dans une sélection où le Def Jam old school, et la côte Est en général, tiennent une part non négligeable…