TRACKLIST : (prod. Stoupe The Enemy Of Mankind)
1- Intro
2- The Winds Of War
3- Chinese Water Torture (ft. Breath Of Judah)
4- The Three Immortals (ft. Breath Of Judah/Apathy)
5- Neva Antiquated (rmx) (ft. Sun Pharaoh)
6- Omnicron (ft. Apathy/Sun Pharaoh)
7- As It Was In The Beginning (ft. Lost Children Of Babylon)
8- Books Of Blood : The Coming Of Tan (ft. El Eloh)
9- Incanatrix (skit)
10- The Immaculate Conception
11- The Apostle’s Creed (ft. Apathy/Yan The Phenomenon)
12- I Who Have Nothing
13- Communion : The Crop Circle Thesis (1996 bonus)
14- Onetwothree (1995 bonus)
15- Souls From The Streets (1994 bonus)
16- Last Straw (Onesoul rmx) (1994 bonus)
17- Tug Of War (1993 bonus)
18- Get This Low (1993 bonus)
Cet album au titre improbable pour un groupe de rap underground (« The Psycho-Social, Chemical, Biological & Electro-Magnetic Manipulation of Human Consciousness ») et à la pochette tout aussi surréaliste, a connu plusieurs vies.
Après un bref passage au sein de Superegular, petite structure indépendante créée pour lancer le groupe, Jedi Mind Tricks conçoit en 1997 la version originale du disque et enchaîne les succès d’estime dans la communauté hip hop. Quelques années plus tard, et après plusieurs projets studios, le label Babygrande décide de ressortir la galette augmentée de 6 morceaux composés entre 1993 et 1996 et présents sur le premier maxi du groupe, « The Amber Probe EP ». Contrairement à certaines rééditions d’albums devenus introuvables et dans lesquelles sont ajoutés des bonus plus ou moins pertinents, Babygrande a bien fait les choses puisque ces quelques tracks apportent un vrai plus à un album déjà très bon.
C’est d’ailleurs l’écoute de l’album dans sa totalité qui est enrichissante, notamment pour ceux qui ne connaissent le groupe de Philadelphie que par ses productions les plus récentes. En effet, la bête de scène Vinnie Paz (ici encore appelé Ikon The Verbal Hologram) et le discret beatmaker Stoupe The Enemy Of Mankind n’ont pas encore trouvé la recette qui fera leur réussite, à savoir des guitares hispanisantes, des airs d’opéra à foison, une mélancolie omniprésente portée par des beats ultra-carrés et une agressivité vocale qui peut paraître parfois artificielle. Certains fans de la première heure regretteront ce manque de spontanéité et cette reproduction presque à l’identique d’un type de beat qui marquera pourtant les sorties du duo au 21eme siècle.
Qu’on ne s’y trompe pas, les JMT ont réalisé d’excellents titres après ce premier album (« Heavenly Divine » et « I Against I » sur « Violent By Design » sorti en 2000 ou « The Worst » sur « Legacy Of Blood » en 2004) et l’ensemble de leurs productions reste de qualité, mais peut-être le succès les a-t-il enfermés dans une certaine paresse artistique. De plus, le fait que le groupe invite souvent les mêmes rappeurs, issus en majorité du collectif Army Of The Pharaohs, peut entraîner une certaine lassitude de l’auditeur et donner une impression de fouillis où l’identité propre du duo est peu à peu gommée.
Mais aucune de ces œuvres, à part peut-être « Violent By Design », souvent considéré comme leur meilleur album, n’est à la hauteur du « Psycho-Social CD ». Ceci peut s’expliquer, comme pour beaucoup de premiers albums, par le fait que ce disque est le fruit de nombreuses années de travail, que chaque morceau a bénéficié d’une attention particulière, chose qui devient plus difficile lorsque le travail créatif est limité par des exigences contractuelles.
Stoupe construit des sons aussi complexes que les lyrics de Vinnie Paz, qui à l’époque mise plus sur son flow que sur la puissance de sa voix, et de ses invités : Apathy (dont c’est l’une des premières apparitions sur disque) et Lost Children Of Babylon, groupe politisé, pléthorique et mystérieux, aux propos cryptiques, venu lui aussi de Philadelphie.
Les rappeurs n’abordent pas vraiment de sujets précis et les références utilisées sont impossibles à citer toutes, qu’elles soient astronomiques (« Omnicron »), ésotériques (« Books of Blood »), mystiques (« As It Was In The Beginnning ») ou mythologiques (Egypte, Islam, Perse et Chrétienté). Jedi Mind Tricks crée un univers très particulier fait d’images macabres et guerrières, de science-fiction anticipative et d’heroïc-fantasy intellectualisée formant un discours souvent obscur porté par des ambiances sonores sombres et dépouillées qui ne révèlent toute leur ampleur qu’après plusieurs écoutes. Cette approche peu orthodoxe attire l’auditeur dans un tourbillon de rythmes et donne un disque tout à fait cohérent et conforme à l’esthétique du rap indé « futuriste » de l’époque.
Afin d’adapter ses beats aux lyrics étranges des MC’s, Stoupe utilise des arrangements assez basiques mais les laisse en retrait pour mieux y accoler les samples bizarres dont il à le secret : des gouttes d’eau, utilisées jadis pour priver les prisonniers de sommeil (« Chinese Water Torture »), une harpe spatiale (« As It Was In The Beginning »), un clavier hypnotique (« Communion »), des pianos désaccordés (« Last Straw », « Neva Antiquated ») ou des voix fantomatiques (« The Immaculate Conception »).
Stoupe est en outre capable de proposer un rap des plus classiques, à grand renfort de violons mélancoliques (« I Who Have Nothing », « Winds Of War »), de berimbau afrobeat emprunté aux Headhunters de Herbie Hancock (« Souls From The Streets »), de guitares sèches en cascade (« Apostle’s Creed ») et de xylophones dynamiques (« Tug Of War », « Get This Low »). De plus, le producteur use et abuse de scratches vocaux (Common, Organized Konfusion, The Roots, Wu-Tang Clan, Bahamadia…) comme pour ajouter de nouveaux intervenants à la longue liste des featurings.
Combinant science des mots et des beats, Jedi Mind Tricks réussit avec « The Psycho-Social CD » à entrer dans le cercle très fermé des groupes ayant sorti un classique dès leur première réalisation. Pour cela ils ont façonné un univers musical personnel tout en gardant une ligne artistique purement hip hop. Dommage que le duo se soit par la suite contenté d’une certaine efficacité plutôt que de perpétuer cette créativité caractéristique de la scène de Philadelphie. Rendons toutefois hommage au style Jedi Mind Tricks des débuts, capable de toutes les audaces, comme sur ce disque, et à celui, plus récent, qui offre toujours des titres à écouter très fort…
A ECOUTER AUSSI : JUS ALLAH – All fates have changed [2005]/OUTERSPACE – JMT presents [2004]/ARMY OF THE PHARAOHS – Torture papers [2006]